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la feuille volante

Votre vie m'intéresse

N°15 – Août 1986.

VOTRE VIE M'INTERESSE – Georges-Léon GODEAU – Le Dé Bleu.

 

L'univers d'un poète est tout entier contenu dans ses mots et il rend compte de sa vision des choses d'une manière qui lui est propre, qui est unique. Léon-Georges Godeau possède cette qualité rare d'émouvoir en quelques phrases et de dire les choses et les gens aussi simplement qu'ils sont. Il fait sûrement sienne cette pensée de Victor Ségalen « Voir le monde et l’ayant vu dire sa vision ».

Son écriture est de plain-pied avec les gens de toute condition, dans leur quotidien, leurs joies, leurs peines, leur travail. Il en est le témoin privilégié, s’identifie à eux parce qu'il a su promener son regard attentif sur le monde qui l'entoure et montrer à son lecteur ce qu'il a lui-même perçu sans pour autant y prêter attention. N'avoue-t-il pas lui-même « Mon peuple, je suis bien avec » ? (« une gamine », « les petits voyous »).

 

Poète, Il n'en n'a pas moins été un homme de labeur, en contact constant avec d'autres hommes différents de lui mais qui lui ressemblent simplement parce qu'ils portent en eux la marque de la condition humaine. Ces paysans, ces ouvriers, ces bureaucrates, il les a côtoyés chaque jour de sa vie , mais ils sont aussi ses voisins, ses familiers (« Le nain », « Le rôdeur », « Le boueur », « Louise », « La meilleure secrétaire »).

 

Tel un artisan méticuleux, il procède par petites touches pleines de vie, pleine de cette vérité qu’on voudrait cacher mais que sa sensibilité sait déceler. Il sait aussi décrire avec minutie les frayeurs intimes et puériles qui sont les siennes et par conséquent les nôtres (« Le causse »). Quand il parle de jeunes-filles ou des femmes, le style fait une grande place au non-dit, comme une délicatesse qu'il nous invite à saisir (« La fille du mareyeur », « Les femmes »). Qu'on ne s'y trompe pas, l'économie engendre l’harmonie et les mots sonnent agréablement à l'oreille car l'écriture est stricte, dépouillée, claire, pleine de senteurs et d'images. Cette « matière-émotion » comme aurait dit Char, je la retrouve dans ses dessins à la plume plus que dans sa peinture et cette exigence, je le rencontre en lui-même quand il déclare que malgré les nombreux recueils publiés, dont un chez Gallimard, et malgré une notoriété qui s'étend jusqu'au Japon et en URSS où il est traduit , seuls quelques dizaines de textes trouvent grâce à se yeux. N'avoue-t-il pas « Rien n'est important sauf quelques vrais textes qui resteront après le grand remue-ménage » ? Ce n'est pas la moindre qualité de cette anthologie que d'offrir au lecteur l’occasion de connaître Godeau à travers 25 années d'écriture.

 

S'il n'a jamais été donné une définition de la poésie, celle qu'il fait sienne résume bien les choses « Les poèmes s'inventent au bord du monde, un pied sur la terre l'autre das le vide ». Ce que je retiens de ce livre c'est que son auteur a vu le monde, l'a mis dans ses yeux pour le remettre dans les nôtres. Il l'a fait simplement en nous invitant à nous arrêter. Tant pis pour ceux qui sont pressés !

 

 
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