Dans la foule
- Par hervegautier
- Le 26/05/2023
- Dans Laurent Mauvignier
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N°1749 – Mai 2023
Dans la foule – Laurent Mauvignier – Les éditions de Minuit.
Les faits sont connus de tous puisqu’ils se sont inscrits, en ce 29 mai 1985, dans la mémoire collective. Nous sommes au stade du Heysel à Bruxelles pour le match de football entre la Juventus de Turin et Liverpool. Avant le commencement de la rencontre, les hooligans anglais envahissent la tribune des Italiens. La bousculade fait 39 morts et plus de 400 blessés.
Laurent Mauvignier s’empare de cet épisode pas très glorieux pour le football mais révélateur de nos sociétés et met en scène des personnages venus de France, de Grande Bretagne, d’Italie et de Belgique qui vont se croiser et prendre la parole en monologues. Tana et Francesco, des Italiens, sont en voyage de noces, de passage à Bruxelles et ne veulent pas manquer la rencontre. Lui sera tué en protégeant sa femme qui ensuite perdra pied dans l’alcool, la drogue, le sexe... Gabriel et Virginie sont belges et veulent assister au spectacle mais se font voler leurs billets par Jeff et Tino, des Français opportunistes et roublards qui seront blessés mais s’en sortiront, Goeff accompagne ses frères, Dough et Huggie, deux brutes, supporters de Liverpool. Trois ans plus tard Jeff et Tino, rongés par le remords, veulent retrouver Tana en Italie. Aucun des survivants n’est sorti indemne de ce désastre.
Ce triste épisode met en évidence le mouvement hooligans qui a bouleversé durablement les stades et il a fallu du temps aux autorités pour réagir et prendre des mesures pour le faire cesser. J’observe que cette volonté gratuite de détruire n’est pas du tout éteinte et que notre société actuelle en est fortement affectée. Ce qui aurait dû être un moment convivial, une communion autour d’une rencontre sportive a été gâté par la violence que porte en lui chaque être humain qui ainsi révèle sa vraie image et qui peut se réveiller à tout moment, surtout quand cela est amplifié par le phénomène d’hystérie collective. La foule a en effet ce pouvoir de modifier fondamentalement les réactions individuelles. La mort peut frapper sans préavis, quand on s’y attend le moins. Je ne suis pas bien sûr non plus que cela soit en passe de se calmer quand on assiste aux agressions en tout genre, à toutes occasions et dans tous les milieux dont notre époque est le théâtre. Le principe du « vivre ensemble », de la solidarité, qui sont louables, me semblent de plus en plus réduits à l’état de concept dans la mesure où chacun considère de plus en plus que tout lui est permis.
Je ne suis pas fan de football mais il faut bien noter que les autorités ont laissé jouer le « match du siècle »(1-0 pour Turin) malgré le drame, sans doute pour des raisons bassement financières. L’argent a continué à pourrir ce sport surtout si on considère l’attribution de la dernière coupe du monde… au Quatar. Je ne suis pas bien sûr non plus que les valeurs dont on nous rebattu les oreilles pendant des décennies sortent renforcées de cette collusion politico-financière (et pas seulement).
Dans ce texte à plusieurs voix, chaque personnage prend la parole, dévoilant sa personnalité, ses états d’âme, ses regrets, ses remords, ses obsessions, ses délires. L’écriture est volontairement hachée pour souligner l’horreur du drame. D’ordinaire, découvrir un roman de Mauvignier est pour moi un bon moment. Ici, j’ai eu un peu de mal à le suivre. Pourtant, à mes yeux, le rôle de l’écrivain, et de l’artiste en général, est aussi d’être le miroir de son époque.
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