La dernière bagnarde
- Par hervegautier
- Le 18/11/2016
- Dans Bernadette Pécassou-Camebrac
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La Feuille Volante n° 1089
La dernière Bagnarde – Bernadette Pecassou-Camebrac – Flammarion.
On n'en finit pas de nous vanter les mérites de la République qui garantit notre modèle social, respecte les droits de l'Homme et la liberté des citoyens … Rien n'est parfait mais la Troisième du nom a fait largement fi de tous ces dogmes si généreusement proclamés. Tout était organisé pour protéger la société, mais n'importe laquelle, et l'administration pénitentiaire possédait des bagnes où on entassait ceux dont la République entendait se débarrasser. Il fallait en effet purger la Métropole de ses mauvais éléments et on condamnait aux travaux forcés, c'est à dire bien souvent à la mort, tous ceux qui avaient contrevenu à la loi et à l'ordre public. Ceux des bagnards qui survivaient après leur peine étaient maintenus sur place en relégation pendant un temps égal à celui de leur condamnation dans un souci de colonisation. Pour favoriser le peuplement de ces colonies déshéritées, il fallait faire venir des femmes pauvres, sans logis, condamnées elles-aussi, mais à des peines mineures, en leur faisant miroiter la possibilité d'une vie nouvelle. Pour cela il fallait qu'elles épousent un relégué et on donnait au couple un lopin de terre pour vivre et fonder une famille. Cela c'était la réponse officielle, bien loin cependant de la réalité.
Nous sommes en 1888 et Marie Bartête, alors âgée de 20 ans part de l’île de Ré. Elle a été condamnée et emprisonnée pour des délits mineurs et on l'embarque pour la Guyane. A elle aussi, comme à d'autres condamnées, on a parlé de la luxuriance de l'outre-mer, de la beauté les paysages, de la vie facile… Elle ne sait pas ce qui l'attend, se fait beaucoup d'illusions mais ne tarde pas à changer d'avis une fois sur place et se retrouve à Saint-Laurent-du-Maroni, dans un enfer où elle est complètement oubliée, exploitée, abandonnée aux miasmes et aux dangers, malgré la bienveillance des religieuses qui les encadrent et d'un jeune médecin venu de France. Elle survivra, malgré les viols, les maladies et les mauvais traitements mais ne reverra plus jamais son pays.
Dans cette atmosphère délétère, la nature humaine se révèle dans ce qu'elle a de plus abject. Ici le pire côtoie les bonnes volontés les plus affirmées mais la vie dans cette contrée, l'hypocrisie, l'irresponsabilité, l’intransigeance ont vite raison des enthousiasmes les plus fougueux et des illusions les plus tenaces. Dans ce microcosme, Marie, bien qu'entourée par la mort et assaillie par la souffrance, le danger, la peur, les trahisons et la solitude, fait preuve de détermination et d'une farouche volonté de vivre, rencontre des moment de solidarité, de compréhension, autant de miracles qui adoucissent ses épreuves.
Telle est l'histoire de Marie Bartête (1863-1938), orpheline béarnaise, qui avait ému Albert Londres. Il s'en était fait l'écho dans « Le Petit Parisien » en 1923. Pourtant, dès 1888, des informations étaient parvenues en France mais aucun homme politique n'eut assez de courage pour dénoncer ces faits. Pour autant, si la vie des bagnards a fait l'objet de nombreux récits, celle des bagnardes fut complètement oubliée et ce ne fut qu'en 1904 que les convois féminins cessèrent définitivement en Guyane. Pour autant celles qui survécurent n'avaient pas les moyens de s'offrir un billet de retour et moururent sur place, comme Marie Bartête.
Le style est à la mesure de la révolte de l'auteure qui parvient sans peine à la faire partager à son lecteur. Personnellement, j'apprécie qu'on consacre ainsi des ouvrages à ceux que l'histoire a oubliés ou que la vie et le destin ont injustement malmenés.
© Hervé GAUTIER – Novembre 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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