Un vertige
- Par hervegautier
- Le 29/10/2023
- Dans Hélène Gestern
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N°1787– Octobre 2023
Un vertige – Hélène Gestern – Folio.
La narratrice évoque une passion amoureuse qui l’a unie brièvement à un homme marié, « T » puis, devant ses tergiversation, leur rupture. Elle dissèque au scalpel ce que fut cette relation, avec ses absences, ses jalousies, ses espoirs, ses déceptions, ses ruptures et ses retrouvailles.
J’ai lu ce récit apparemment autobiographique, par ailleurs fort bien écrit ce qui pour moi est toujours un plaisir, avec des sentiments mêlés. Elle choisit de l’évoquer après avoir encaissé le choc de la rupture ce qui peut lui donner l’illusion d’avoir pris de la hauteur et peut-être d’avoir acquis quelque apaisement à cause de la solitude qui a suivi, des résolutions prises pour l‘avenir, de la volonté de renouer avec la vie. Avec lui, elle avait cru au grand amour, l’unique, celui qui bouleverse votre vie, qui la transforme pour la suite, qui se joue des obstacles, grâce auquel on tresse des projets d’avenir, avec engagements et serments qu’elle voulait définitifs. Puis tout s’est effondré à cause de la routine, de l’usure, de la lassitude, de cette volonté de tourner une page inévitable en se disant que c’est le cours normal de choses qui ne sont pas destinées à durer, que c’est forcément mieux ailleurs, qu’on a d’autres projets à cause d’événements ou de rencontres auxquels on a envie de donner une dimension personnelle, sentimentale et sensuelle. C’est à chaque fois la même chose, on à l’impression qu’on vit un moment unique qui est une seconde naissance et qui durera toujours avec la découverte du corps et de l’esprit de l’autre puis on détruit ce qu’on adoré avec toute cette certitude égoïste que la victime finira par réagir à sa façon et trouvera une solution avec tout le mépris dont est capable un être qui croit que tout lui est dû et tout lui est permis. On se soucie peu de l’abandon et de ses conséquences pour la victime qui finira, on l’espère, par pardonner, se trouver d’autres centres d’intérêt, malgré les cicatrices inévitables.
Il s’agit d’un récit autobiographique désastreux pour cette femme qui est aussi écrivain. mais, comme à chaque fois, je m’interroge sur l’effet cathartique de l’écriture face à un tel bouleversement. Pour le commun des mortels, la solution est souvent le basculement dans un univers où la logique et même le bon sens sont absents. C’est l’alcool, la drogue, la délinquance, la vengeance, autant d’autodestructions qu peuvent aller jusqu’à la mort. Certes cela donne pour le lecteur un texte authentique et plein de références auxquelles il peut se raccrocher parce que, évidemment, ce témoignage fait aussi partie du vécu de chacun d’entre nous, mais qu’en est-il pour l’auteur, à part ajouter un livre à son œuvre créatrice? Elle dit elle-même qu’écrire n’a pas été salvateur et je souscris complètement à cette remarque. Simplement cela a pu la mettre devant cette évidence d’elle-même en s’interrogeant sur ce qui l’a poussée vers un amour impossible, destructeur, une folie qui lui a permis d’approcher le vertige d’une vie qui bascule. Tout au plus mettre des mots sur cette aventure peut-il permettre d’en accepter les conséquences, d’en entretenir la mémoire, même si celle-ci est douloureuse.
J’ai lu ce récit en me disant que c’est finalement une chose banale qui est relatée ici, que chacun de ceux qui la vit la croit unique mais aussi avec en mémoire ce vers d’Aragon « Rien n’est jamais acquis à l’homme ni sa force ni sa faiblesse ni son cœur et quand il croit ouvrir les bras son ombre est celle d’une croix, et quand il croit serrer son bonheur il le broie, sa vie est un étrange et douloureux divorce, il n’y a pas d’amour heureux ».
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