la feuille volante

LE MEILLEUR DE NOS FILS – Donna Leon

N°659– Juillet 2013.

LE MEILLEUR DE NOS FILS – Donna Leon - Calman-Lévy.

Traduit de l'anglais par William Olivier Desmond

A l'académie militaire San Martino à Venise, un jeune cadet, Ernesto Moro, vient de se suicider. Dès le début de l'enquête, le commissaire Brunetti ne croit pas à cette version. Le jeune homme était en bonne santé, ne présentait aucun signe dépressif, autant de bonnes raisons pour que notre policier remette en doute ce qui, de plus en plus, passe pour la thèse officielle. Il ne tarde pas à s’apercevoir que cette école est en fait réservée aux enfants de la grande bourgeoisie et de l’aristocratie du pays, d'ailleurs, la victime était le fils du Dottor Fernando Moro, un éminent oncologue qui s'était fait élire parlementaire. Il avait marqué son passage dans la vie politique italienne par ses enquêtes sur les hôpitaux publics et surtout par une grande probité, ce qui est plutôt rare dans ce domaine. Il avait ensuite démissionné de son poste de député d'une manière un peu brutale et inattendue pour reprendre une clientèle privée. Les investigations de Brunetti révèlent que les époux Moro vivaient séparément depuis de nombreuses années et qu'il y avait des périodes inexpliquées dans la vie de la mère qui d'ailleurs reste introuvable.

Il ne faut pas longtemps au commissaire pour convaincre le vice-questeur Patta, son supérieur hiérarchique, de creuser un peu son idée sur le suicide douteux d'Ernesto Moro. En effet, conclure un peu vite son enquête sur cette cause officielle de décès risquerait d'amener l'ex-député à attaquer le possible classement sans suite de cette affaire, ce qui, aux yeux de Patta, toujours aussi timoré, serait inadmissible puisque cela ternirait l'image de la police vénitienne qu'il dirige. Pourtant, il n'est pas non plus question de trop chercher les causes de ce suicide puisque cela va immanquablement amené la police à enquêter sur la vie privée du Dottor Moro qui est aussi un notable dont Patta souhaite la protection. Telle est donc l'enjeu de ce récit.

La vie de ce couple est une énigme. Les époux Moro travaillent séparément et leur séparation est intervenue bizarrement à la suite d'un accident de chasse dont a été victime la mère, Frederica à Sienne, deux ans plus tôt. On lui a tiré dessus mais la chose est pratiquement passée inaperçue à l'époque. Ils le sont pas officiellement divorcés, ni l'un ni l'autre ne paraît avoir de liaison, mais ils ne communiquent entre eux que par avocats interposés. Brunetti rencontre l'un et l'autre, séparément bien sûr. Avec Madame, le commissaire veut revenir sur son accident qui effectivement pose encore des interrogations restées sans suite pour la victime. En ce qui concerne le suicide de son fils, elle est formelle, cela ne peut être vrai. Brunetti à la chance d'avoir sa secrétaire, Elletra, qui est une mine de renseignement obtenus d'ailleurs un peu trop facilement, mais également son épouse Paola qui connaît bien des potins de Venise. Elle lui révèle que l'école de San Martino n'a rien de militaire, mais est au contraire un repère de jeunes snobs de la bonne société qu'on entretient dans la certitude de leur supériorité.

Les investigations de Brunetti le conduisent à mettre en évidence pas mal de zones d'ombre dans ce dossier, aussi bien des informations contradictoires sur les faits qui se sont déroulés dans l'école avant le suicide, la rétention d'informations de la part des cadres, la menace sur les cadets, le viol d'une jeune fille dans l'enceinte de l'académie militaire quelques temps auparavant mais dont l'information a très tôt été supprimée des journaux, la vie pas si séparée que cela des Moro, la certitude que l'accident de chasse dont avait été victime Frederica Moro n'était pas un accident et que sa vie était peut-être encore menacée, qu'ils avaient une fille, Valentina, bizarrement absente, que la mère du Dottor a été victime d'un accident de la circulation. Il parvient à expliquer que, durant ses fonctions de parlementaire, Fernando Moro s'était notamment intéressé d'un peu trop près aux contrats d'approvisionnement de l'armée, mettant en évidence prévarications et favoritisme, le tout aux dépends du Trésor Public, c'est à dire du contribuable. Bien entendu, le vice-questeur Patta, toujours désireux de donner de la police, mais surtout de lui-même, une image favorable aux notables locaux, souhaite que la thèse du suicide d' Ernesto soit favorisée et bien entendu l'affaire classée. Pourtant, elle évolue vers la mise en cause de plusieurs cadets et à cette occasion des noms de famille de notables pourraient être révélés et peut-être salis.

Cette affaire, faite de menaces, de couardise, de renoncements, d'erreurs, de faux-témoignages, de mensonges, de révélations embarrassantes, de mises en cause, de mises en scène se termine. Brunetti qui est policer mais aussi père d'un garçon de l'âge de la victime n'a cessé de penser à ce jeune cadet mort trop tôt en songeant que cela pourrait bien lui arriver à lui aussi.

Brunetti est un bon enquêteur mais il est, dans cette affaire secondée efficacement par Elletra, la secrétaire, qui lui obtient des renseignements avec plus de facilité qu'un fin limier.

© Hervé GAUTIER - Juillet 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com









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