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la feuille volante

La nébuleuse du crabe


N°1772– Septembre 2023

 

La nébuleuse du crabe – Eric Chevillard – Les éditions de minuit.

 

Après avoir lu Ronce-Rose qui m’avait laissé quelque peu dubitatif, j’ai eu envie d’explorer l’univers créatif d’Eric Chevillard, sans d’ailleurs savoir vraiment pourquoi ni où cela me mènerait.. Ce second roman qui se trouve être le cinquième de cet auteur a un titre qui m’évoque plutôt une étoile qui aurait explosé, formant une sorte de masse gazeuse en expansion émettant des radiations. Il y a la mort dans ce processus mais aussi une vie en devenir, du mystère et des hésitations... Je ne suis pas spécialiste et cela paraît bien hermétique pour le profane que je suis mais je comprends que ce contexte ait inspiré nombre de fictions. Alors pourquoi faire un bout de chemin avec lui ?

Ici Crab (sans e) est un homme qui vaut son pesant de paradoxes, il est fantasque, idéaliste, inattendu, malchanceux, mythomane, contradictoire, insatisfait, révolté, plein de projets qui ne voient jamais le jour, perdu dans une vie qu’il n’aime pas et qui ne l’aime pas non plus. Ce qu’il fait ne sert à rien, mais il le fait quand même, peut-être pour se prouver qu’il existe, malgré l’ennui qui est son compagnon ordinaire ... Il fait de son mieux pour échapper à sa condition, mais finalement ce qui reste de tout cela c’est de désœuvrement, la solitude, une lutte contre le temps, mais une lutte perdue d’avance parce tout cela lui échappe. Il navigue en permanence entre « Plans sur la comète » et « Châteaux en Espagne », c’est une fuite et ce qui résulte de tout cela tien en un mot : échec (et mat?). De tout cela, du néant, du vide, il a conscience puisqu’il le vit au quotidien. C’est l’image même de la mort qui ne lui fait pas peur et même la religion et ses vaines promesses ne le rassure pas. L’auteur nous raconte son histoire ou plus exactement nous rapporte des faits de sa vie, aussi disparates et imaginaires qu’absurdes et déjantés, par petites touches contradictoires, inattendues. Il est victime de son destin, se cherche mais se résigne et se console comme il peut . Mais qu’on se rassure, même si ce personnage est un peu « nébuleux », il reste un homme avec la vie et la mort.

 

Je ne suis pas spécialiste mais cette écriture baroque, cette façon de rendre une certaine vision du monde, m’évoque Gaston Chaissac (1910-1964), un peintre autodidacte dont les personnages difformes et tourmentés expriment la souffrance, l’incompréhension et me rappellent un peu Crab. Ce dernier qui au départ m’a paru assez bizarre et même hors champ, je dirai que, au fil des pages, je me suis attaché à lui au point d’y voir une certaine image de la condition humaine, certes un peu exagérée, aux traits volontiers appuyés mais finalement assez fidèle dans ses excès.

 
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