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la feuille volante

Seuls

N°1731 – Avril 2023

 

Seuls – Laurent Mauvignier – Les éditions de Minuit.

 

Un soir Pauline appelle Tony pour qu’il vienne la chercher à l’aéroport. Lui qui vit seul d’un travail qu’il n’aime pas, veut y voir un signe du destin qui va précipiter les choses et faire revenir vers lui cette jeune fille devenue femme qu’il connaît depuis l’enfance et à qui il n’a jamais cessé de penser depuis qu’ils étaient étudiants ensemble. A cette époque ils partageaient un appartement en colocataires et il n’y avait entre eux qu’une solide amitié, une vie de frère et sœur. Puis elle est partie longtemps à l’étranger avec un homme, abandonnant tout. Avec son accord elle s’installera chez lui le temps de trouver un appartement. Pendant quelques temps ils vivront donc ensemble, comme ils l’ont déjà fait jadis, et pour les yeux des autres seront comme un couple d’amoureux, singeant une vie de couple. Ce mensonge le ravit et il voudrait que cela dure toujours, qu’elle reste enfin avec lui, devienne amoureuse de lui. Il revit au point d’envisager de quitter son travail, de reprendre ses études... Pourtant, tout les a toujours séparé, elle était toujours très courtisée et lui était un garçon complexé, sentimental, idéaliste, timide et qui rêvait d’un « grand amour » et elle était sensuelle, libre et aimait l’amour physique. Rien n’a changé entre eux mais la réapparition inattendue de Pauline réveille pour Tony cet amour refoulé qu’il a toujours éprouvé pour elle sans oser le lui avouer et sans même qu’elle-même s’en aperçoive. Maintenant, c’est un peu comme s’il voulait rattraper le temps perdu et il transforme son appartement pour que Pauline s’y sente bien et peut-être y reste, une démarche pourtant vouée à l’échec Leur relation est révélatrice de la complexité de l’être humain qui trahit à la fois son besoin d’être aimé et la crainte de l’être, l’illustration de l’attirance et de la répulsion des êtres entre eux. Mais Pauline se lasse vite de cette monotonie, de cette routine banale de Tony devenu vieux garçon à force de l’attendre et disparaît à nouveau et s’installe avec Guillaume, plongeant Tony dans un désespoir dévastateur qui provoque sa disparition brutale dont le père cherche l’explication auprès de Pauline.

De ce roman au titre évocateur il ressort une grande solitude, une fragilité, celle du père qu’on sent tourmenté, désemparé face à ses souvenirs de guerre, qui s’aperçoit bien tard qu’il est passé à côté de ce fils sans avoir cherché à le connaître et peut-être à l’ aider, celle de Tony, ballotté par les événements qui s’imposent à lui mais aussi celle de Pauline, incapable de se fixer et qui ne pense qu’à elle. C’est un peu comme si, hautaine, indifférente, volontiers arrogante, elle vivait à ses côtés sans le voir, comme s’il était un témoin transparent, impuissant face aux aventures amoureuse de cette femme. J’ai même eu l’impression qu’elle jouait avec lui, avec sa candeur, avec sa timidité et prenait un certain plaisir à détruire tous les espoirs fous que Tony avait tressés et auxquels il s’accrochait désespérément. Ce sont à l’évidence deux êtres qui ne se ressemblent pas, qui ne sont pas faits l’un pour l’autre mais que la vie a réuni pour mieux les séparer et pour qui la vie commune eût été impossible, de toute manière.

Cette impression de solitude est renforcé par l’absence de dialogues, le style est fluide, poétique parfois, agréable à lire malgré des phrases un peu longues.

Je redis ici que j’apprécie cet auteur pour la qualité de son style, à la fois simple et précis mais aussi pour les thèmes de réflexion qu’il choisis pour nourrir son œuvre.

 

 
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