la feuille volante

Antisémite

La Feuille Volante n° 1234

ANTISÉMITE – Pascal Boniface – Max Milo Éditeur.

 

Être accusé d'antisémitisme en France n'est pas une chose anodine compte tenu de l'histoire de notre pays, de son combat en faveur de la liberté et des droits de l'homme, de son héritage des « Lumières », de sa traditionnelle vocation à recevoir et assimiler les étrangers désireux de devenir Français. Le cas des Juifs est un peu particulier puisqu'ils ont été pourchassés, accusés de tous les maux et même longtemps considérés par les catholiques comme le peuple déicide. Depuis 1948, date de la création de l’État d’Israël, la politique internationale et l'opinion publique ont évolué entre son soutien et sa condamnation au gré des événements. Pascal Boniface, universitaire, chercheur et directeur d'un centre de recherche géopolitique (IRIS), qui ne cache pas sa sensibilité de gauche et son appartenance au PS, n'échappe pas à ce phénomène et quand il rédige en 2001 une note pour le parti socialiste sur le conflit israélo-palestinien suivi d'un article dans « Le Monde », il assiste à un déchaînement médiatique qui le qualifie « d'antisémite ». Cette réaction lui paraît d'autant moins justifiée que critiquer le gouvernement d’Israël suffit à passer pour un antisémite et qu'il est un fervent adepte du débat, que toute sa vie, tous ses combats personnels sont en complète contradiction avec cette accusation. Ces écrits déchaînent les passions, réveillent les vielles querelles, troublent les certitudes les plus affirmées et portent préjudice à leur auteur qui ainsi cherche à se justifier par ce livre d'autant plus volontiers qu'il s'estime injustement accusé, qu'il n'a jamais été inquiété par la justice et qu'il mesure ainsi tout le poids de la solitude, de l'hypocrisie et de l'instinct grégaire d'autant plus actif qu'il vise à le détruire, lui et son centre de recherche. L'émotion a été grande à la publication de cet article, suivi d'un livre où notre auteur se demande si on peut « critiquer Israël ». Elle s'accompagna d'insultes, de critiques et même de menaces de mort qui caractérisent cette espèce humaine à laquelle nous appartenons tous et ce d'autant plus qu'il disait ce que beaucoup d'autres pensent mais n'ont pas l'opportunité et sûrement le courage de le verbaliser et que la société israélienne elle-même montre une diversité d'opinions sur le rapprochement avec les Palestiniens. La presse se déchaîna mettant en lumière la mauvaise foi, la désinformation, l'intolérance voire les erreurs volontaires des rédacteurs souvent inspirés par les organisations juives de France, mais des soutiens se manifestèrent également, illustrant le fait que ce problème est dans notre pays épidermique et de nature à réveiller les vielles idées reçues. Ainsi fut-il l'homme à abattre et il démissionna du PS.

J'avoue que je suis assez peu sensible aux essais politiques, mais je remercie Babelio et les éditions Max Milo de m'avoir fait parvenir cet ouvrage pour tenter de comprendre cette polémique qui, en France, a toujours un retentissement particulier. Je retiens une brillante analyse historico-politique de ce problème et je reconnais un certain courage à Pascal Boniface d'avoir ainsi pointé du doigt les positions contradictoires du PS sur le conflit israélo-palestinien rappelant notamment que si le peuple juif avait souffert de la Shoah, cela ne lui donnait pas pour autant droit d'opprimer les Palestiniens, que ces derniers avaient droit à un État au même titre que les Israéliens, que l'ONU, pourtant en charge de la paix mondiale et de la protection des populations civiles a toujours eu une position plus que tiède, acceptant d'intervenir en ex-Yougoslavie mais jamais en Israël et que les préoccupations électorales ne sont jamais loin des positions officielles d'un parti politique. La difficulté vient sans doute que sur ce sujet inflammable on mélange souvent antisémitisme et antisioniste mais notre auteur ne manque pas non plus de relever les nombreuses contradictions qui sont soulevées par ce problème dans le cadre de la démocratie française. Je dois dire que si l'antisémitisme n'est pas pour moi une découverte, je note que les contre-vérités ont la vie dure, surtout quand elles sont répétées à l'envi dans un contexte médiatique.

 

© Hervé GAUTIER – Avril 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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