la feuille volante

Les chevaliers du tintamarre

N° 1509- Octobre 2020.

 

Les chevaliers du tintamarreRaphael Bardas – Mnemos.

 

La fantasque cité de Morguepierre, accrochée aux pentes d’un volcan jadis sous-marin mais qui maintenant respire à l’air libre, a des apparences médiévales et crasseuses. Comme toute les villes elle est divisée en deux, la partie haute et celle constituée de rochers suspendus dans les airs, esthabitée par des nobles et des bourgeois qui évidemment s’en sortent bien et les bas quartiers composés de ruelles sordides et d’estaminets louches abritent marins, soldats et miséreux. Trois compères quelque peu déjantés et la tête pleine de rêves, passent le plus clair de leur temps au « Grand tintamarre » à vider des chopes de bière qu’ils ont à peine les moyens de s’offrir. Silas, quelque peu honteux de son métier de charcutier et, à ce titre fort habile dans le maniement du hachoir mais c’est surtout un beau gosse qui ne peut résister aux charmes d’une femme, « La Morue », un poissonnier fort bien nommé tant il pue, lent à la détente est un solide bagarreur et Rossignol, manieur dégingandé de mots et joueur d’accordéon, mais cependant pas aussi intellectuel qu’il voudrait le paraître. Autant dire trois authentiques poivrots qui font penser aux Pieds nickelés et à qui on veut bien donner le titre de « chevaliers », mais par dérision uniquement, quoique...  Ils sont une sorte d’anti-héros picaresques. La disparition mystérieuse récente de jeunes femmes fait régner sur la ville un climat de peur et ce d’autant que des « marie-morganes », créature marines légendaires qui autrefois habitaient la cité se sont échouées sur une plage, sans vie et sans cœur (pas exactement des sirènes comme on pourrait le supposer). Cela présage des événements sinistres pour la cité. Nos trois compères, adoubés par le truculent baron de Fréjac, se trouvent engagés par hasard pour résoudre cette enquête confuse qui ne manque pas de les égarer et surtout de les dépasser.

 

C’est le premier roman de notre auteur qui nous invite volontiers dans son monde imaginaire où l’humour est roi et l’ambiance chaleureuse et parfois absurde, ce qui tranche beaucoup sur le décor un peu glauque. Sa verve, parfois un peu lourde dans les remarques et les descriptions consacrent cependant l’amitié et la complicité de nos trois compères bizarres et éprouvés par la vie. Les mettre ainsi en valeur, eux les petits, les sans grade, mais aussi les pauvres et les déshérités, face aux riches et aux puissants qui toujours attirent la lumière sur eux est une revanche qui me plaît bien. Il y a cependant d’autres personnages hauts en couleurs, le fantasque capitaine Johan Korn, commandant la garnison des Hautes-Brumes et responsable de l’ordre qui tranche sur l’ensemble de la faune citadine mais aussi des ombres fantastiques tout juste esquissées comme les Trolls, les alfes, l’ogre, les gobelins recouvreurs, les grimaces… Je n’oublierai pas non plus la jeune Alessa en directrice de l’orphelinat de jeunes filles. La rencontre de ce capitaine et de nos trois compères éclairera peut-être les recherches.

 

Le livre refermé, je suis partagé face à cette fiction découverte à la suite de ma participation à un jury littéraire où ce roman est en lice. Je ne dédaigne pas la gouaille, les textes déjantés, les aventures rocambolesques qui tissent un univers fabuleux (là nous sommes servis) mais je suis très peu entré dans cette ambiance pourtant attirante au départ. Cela tient peut-être à moi, même si je dois bien avouer que dans le climat délétère que nous vivons actuellement à cause de ce satané virus qui nous pourrit la vie et des craintes légitimes suscitées par les crises présentes ou à venir et les attentats aveugles, un tel texte nous sort bien heureusement de notre quotidien.

 

 

 
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