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la feuille volante

AMAZONES

N°968– Octobre 2015

 

AMAZONES Raphaëlle RiolÉditions Le Rouergue.

 

Il est des mouroirs comme des terrains de camping populaires, le nom semble choisi avec une particulière attention, du genre qui vous fait fuir avant d'y être entré. Ici c'est « Le Repos Fleuri », et de plus ce jour-là, il y a une fête avec cotillons et ces incontournables chansons censées rappeler la jeunesse des pensionnaires pour leur donner l'impression que « c'était le bon vieux temps »… De quoi avoir envie de ne pas y aller, quitte à mourir avant.

 

Alice, 30 ans, ne coupe pas à la traditionnelle visite à sa grand-mère et, par hasard, sa voisine de table, Alphonsine, 89 ans la supplie « de la sortir de là ». Coup de folie, elles se ruent ensemble vers la porte, et c'est parti, pour Loupiac, la maison de famille de la jeune femme ! Enfin un peu de liberté pour Alphonsine que les ateliers débiles proposés par la maison de retraite, dépriment, mais cela ne peut durer longtemps. Au départ, elles n'ont rien en commun, à commencer par l'âge et on se demande bien ce qui s'est passé par la tête d'Alice ! Pourtant elles vont s'apprivoiser et découvrir qu'elles sont toutes les deux des révoltées, qu'elles partagent au moins quelque chose : la haine des hommes et particulièrement de leur conjoint, mari ou amant. Bonjour le grand amour et bonjour le mariage ! Robin finit par mourir de trop avoir absorbé d'antidépresseurs, sans doute pour supporter la vie avec Alice, mais apparemment il ne lui manque pas et elle se sent même plutôt bien sans lui qu'à l'évidence elle n'aimait plus. Même s'il y a prescription, Alphonsine se souvient qu'elle était nantie d'un mari tyrannique, qu'elle trompa d'ailleurs allégrement et qu'elle laissa mourir tout comme elle trouva un matin son amant mort sans que cela lui fasse une peine immense. Il n'y a pas que le désamour qu'elles ont en commun !

Ah cette Alice, ce n'est pas parce qu'elle porte un prénom à visiter le pays des merveilles qu'elle peut se sentir sur un petit nuage en permanence. Pourtant, elle n'hésite pas à quitter un emploi subalterne peu attrayant sans pour autant avoir songé à un autre job, se réjouit sans vergogne de la mort de son Robin et invite ses deux sœurs à sortir de leur routine ménagère et de leurs habitudes de femmes soumises ! Le coup de folie d'Alice sonnerait-il le glas de son enfance quelque peu tardive ? Peut-être est-elle enfin libre et indépendante sans son téléphone portable, sa carte bancaire, sans amant et sans boulot ? Allez savoir ? En réalité, comme Alphonsine qui a choisi de s’échapper de son mouroir, Alice, elle aussi est enfin sortie de son cocon, deux insoumises qui s'offrent un moment d'évasion qu'on peut, de l'extérieur, qualifier de dérive.

 

On dit le style de Raphaëlle Riol alerte, peut-être, mais pour ma part je ne l'ai guère apprécié puisqu'il ne correspond pas exactement à l'idée que je me fais de la manière dont doit s'exprimer un auteur littéraire. Sur le roman, je ne sais quoi en penser. Certes l'histoire est intéressante, Raphaëlle Riol parle de la relation difficile entre hommes et femmes ce qui est plutôt un fait de société quand deux mariages sur trois se terminent par un divorce et que ceux qui perdurent le font souvent à coup de trahisons et de mensonges, de convenance ou de patience, quand ce n'est pas d'intérêts. Cet exemple n'a rien de fictif qui pourtant parle d'un des piliers de notre société face à une des caractéristiques de l'espèce humaine. Au début une relation amoureuses est pleine d'illusions et on est prêt à jurer n'importe quoi qui parle d'avenir et de vie... Rapidement, tout cela s'effondre et la pulsion de mort, la sienne ou celle de l'autre, prend la place de tous ces beaux sentiments et si on hésite à sauter le pas, on invoque le hasard qui fait souvent bien les choses. Encore une fois le mariage est la danse plus ou moins longue d’Éros avec Thanatos et on est loin des lénifiants discours sur le sujet. De là à dire que la vie en commun est impossible, il n'y a qu'un pas et je le franchirai volontiers.

 

J'avais lu précédemment un roman de Raphaëlle Riol qui m'avait laissé perplexe [« Ultra-Violette » – La Feuille Volante nº 964), j'avoue bien volontiers que celui-ci ne m'a pas davantage convaincu.

 

Hervé GAUTIER – Octobre 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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