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la feuille volante

Ma poésie comme biographie

Ma poésie comme biographie - Valentin Dolfi.

 

Tout d’abord je remercie Tanderica (Gabrielle Danoux) de m’avoir permis d’aborder Valentin Dolfi, un poète roumain contemporain, né en 1961 qui vit dans la ville thermale de Băile Govora où il est bibliothécaire et dont elle est la traductrice.

En réalité ce recueil est intitulé « Photos de famille », rebaptisé par la traductrice avec l’accord de l’auteur « Ma poésie comme biographie » et s’inscrit dans une anthologie « La nature éphémère des choses » . Le recueil se décline en plusieurs moments : « Casamate de papier », « Le monde de plâtre », « La vie de carton-pâte », « L’anthologie de la petite ville de Băile Govora ». Le titre général de ce recueil indique assez clairement que l’auteur va parler de lui, de sa vie, de sa mémoire.

Aborder un écrivain étranger est toujours une aventure surtout si cette découverte se fait par le biais de l’écriture poétique, différente de celle du roman. La poésie n’est jamais aussi appréciée que lorsqu’elle se lit à haute voix mais ici je diviserai ce recueil en deux parties inégales. Dans les trois premiers chapitres, les mots sont un peu saccadés comme les images de rue qui se succèdent devant les yeux de celui qui écrit, des clichés du quotidien qui réveillent son enfance, ses rêves d’ailleurs et ses folies ou simplement s’imposent par leur banalité quotidienne. L’écriture est hachée, avec des inversions, des répétitions sans ponctuation, des expressions et des mots étrangers, ce qui ne facilite pas la lecture et on perd souvent en émotion. Il y a la fascination de l’Amérique ou de la France, c’est à dire de l’ailleurs que les événements, le destin où je ne sais quoi ont fait avorter, celle de l’amour qui donne l’illusion de la jeunesse et de la liberté mais n’enfante que la solitude déprimante face à la silhouette d’une femme en allée. Les mots qu’on emprisonne sur le papier, parce qu’ils doivent sortir pour fixer l’instant ou libérer l’âme grâce à son pouvoir cathartique, restent morts même face aux volutes bleues de la fumée d’une cigarette ou le farniente d’une bière sirotée à une terrasse de bistrot. Écrire est un accouchement douloureux et se heurte parfois à l’indifférence d’autrui, mais ceux qui ont choisi d’écrire le font quand d’autres préfèrent invoquer Dieu, verser des larmes ou boire de l‘alcool.

 

Dans ces trois parties j‘ai senti l’auteur perdu dans ce monde, qu’il ait la couleur d’une grande ville ou le microcosme d’une maison, malgré la présence d’une mystérieuse Mme Fisher, j’ai senti l’omniprésence de l’ennui et du dérisoire quotidiens, « une vie de carton pâte », celle du travail chaque jour recommencé, sans intérêt, sans amour et avec des souvenirs qui la pourrissent tous les jours un peu plus. L’écriture ne parvient pas toujours à l’apprivoiser comme elle n’apprivoise pas davantage la vie ordinaire en général ni la mort, simple événement qui en marque la fin, sonne comme une sorte de délivrance, le terme d’une existence sans joie et souvent dans la souffrance, face à un Dieu absent, inutilement invoqué et qui restera toujours mystérieusement silencieux, comme un leurre. Un abandon, une déréliction que ni le travail ni l’écriture ne suffisent pas à exorciser, parce que les mots ne pèsent rien.

 

En revanche j‘ai beaucoup plus apprécié la dernière partie consacrée à la ville de Băile Govora parce que l’auteur y parle des autres, des petites gens qui vivent comme ils le peuvent et se battent pour survivre ne trouvant leur salut que dans l’abnégation, le travail dur et ingrat ou l’alcool. La vie s’interrompt vite ou perdure dans la souffrance ou dans l’injustice de la maladie et la trahison des autres, toute chose que Dieu, ou l’idée qu’on s’en fait, ne suffit pas à adoucir. Ces moments délétères ainsi évoqués se conjuguent avec l’histoire de la Roumanie, l’arrivée des communistes, la dictature de Ceausescu et la cruauté de ceux à qui on croyait pouvoir faire confiance. Ces petits, ces sans grade, meurent ne laissant rien derrière eux que la désolation et le malheur et leur passage sur terre se dissout dans l’oubli ou dans un souvenir douloureux.

 

 

 
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