la feuille volante

La vraie vie

La Feuille Volante n° 1326

 

La vraie vie Adeline Dieudonné - L'iconoclaste.

 

Drôle de famille que celle de la narratrice, le père, sorte de tyran domestique, alcoolique, colérique, violent avec sa femme, grand chasseur de fauves, fan de Claude François et de la télévision, qui vit au milieu de ses trophées dans une sorte de lotissement à la périphérie de la ville, la mère qui nous est présentée comme une sorte « d'amibe », craintive et soumise à son mari, dédiée aux taches domestiques. Cette violence, on le verra, se déchaîne surtout au détriment des femmes, sans véritable raison. Avec Gilles, son petit-frère, six ans, la narratrice, une jeune adolescente, s'intéresse aux passages du glacier, aux chèvres élevées par sa mère, aux carcasses de vieilles voitures de la casse d'à côté qui sont pour elle une source inépuisable d'imaginaire, à Marie Curie et à la machine à remonter le temps qu'elle projette de construire, depuis la mort du marchand de glaces, avec la complicité d'une voisine un peu fantasque. Après tout c'est un univers comme un autre, celui de l'enfance que la narratrice veut faire perdurer surtout pour son petit frère qui pourtant se révèle au fil des pages quelque peu sadique, comme son père à qui il ressemble de plus en plus. Il changera à la fin.

 

Au fur et à mesure que le corps de la narratrice grandit, avec ses obsessions, ses folies, ses phobies et ses fantasmes, on la sent à la fois désireuse de demeurer encore un peu dans ce cocon et en même temps attirée par le monde des adultes. Elle montre en effet une aptitude hors du commun pour les mathématiques et les sciences qui n'échappe pas à ses professeurs, ce qui lui ouvre un avenir prometteur. Elle découvre également l'extérieur du microcosme familial à travers la montée du désir sensuel. Tout cela, face à l'indifférence de son père et les épreuves qu'il imagine pour la dominer comme il domine son épouse. Cela entretient une ambiance délétère et dénote une grande solitude au sein même de cette famille.

 

L'auteure nous invite à suivre, à travers cinq années, le combat de cette petite fille pour sortir de ce milieu hostile tout en préservant, pour son petit frère, cette parcelle d'enfance qui lui est nécessaire. On sent chez cette jeune fille la volonté de le maintenir dans cet univers, de protéger Gilles, et en même temps celle de d'entrer dans le monde des adultes, de grandir, de devenir femme.

 

C'est le premier roman de cette jeune auteure qui fait l'objet de beaucoup d''éloges. Je n'ai pourtant que très peu prisé l'ambiance un peu glauque de ce livre, alors que la quatrième de couverture en souligne le côté « drôle ». En outre, contrairement à ce qu'elle affirme également, je n'ai pas trouvé le style « fulgurant », mais au contraire bien ordinaire pour un roman qui cependant se lit facilement et rapidement. Le titre au départ m'avait attiré par son libellé même, et, ma lecture achevée, je me demande si la vraie vie est celle de l'enfance que pourtant Gilles et la narratrice quittent à la fin, et d'une manière peu commune, ou celle de la violence dans laquelle nous baignons tous jusque, parfois au sein de notre propre famille. Le noyau familial a toujours été considéré comme le pilier de notre société, mais pourtant, nous le savons tous, il est également le domaine de l'hypocrisie et du mensonge. Il n'y a pas, en effet, mieux placés que nos proches pour nous détruire si telle est leur volonté et, comme nous ne pouvons l'ignorer, l'espèce humaine est capable du pire comme du meilleur, mais bien trop souvent du pire. Je verrai plutôt ce roman comme un miroir assez fidèle de notre société. L'épilogue aussi m'a étonné, non par sa violence qui ainsi se retourne contre le père qui aime à la pratiquer, mais par les conclusions des enquêteurs autour de l'arme.

 

Mais je suis peut-être passé à côté d'un chef d’œuvre ou alors je n'ai peut-être rien compris !

 

©Hervé GAUTIER – Février 2019. http://hervegautier.e-monsite.com

 

 

 

 

 

 
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