Le sabotage amoureux
- Par hervegautier
- Le 10/09/2019
- Dans Amélie Nothomb
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La Feuille Volante n° 1382 – Septembre 2019.
Le sabotage amoureux - Amélie Nothomb - Albin Michel.
C'est un roman autobiographique d'Amélie Nothomb. Elle passe en effet en Chine une période de 5 à 8 ans (1972 à 1975) où son père est nommé ambassadeur de Belgique. Elle a auparavant habité au Japon où son père était également en poste et elle regrette ce pays parce que Pékin est laid, sale et surveillé.
Pour l'enfant qu'elle est à cette époque le monde se divise en deux, celui des adultes qu'elle regarde et celui des enfants dans lequel elle vit en toute liberté. Ils se juxtaposent mais ne se mélangent pas. Je n'ai pas compris grand chose à cette histoire de guerre entre enfants européens du ghetto et encore moins de la paix qu'ils signèrent. A moins que cela ne soit un prélude à ce dont les hommes raffolent depuis toujours ou alors que cela soit à rapprocher du regard que porte les enfants sur le monde des grands qui les entoure et où ils ne voient que des choses différentes, à la fois violentes comme dans la réalité et merveilleuses comme dans les contes qu'ils entendent. C'est sans doute aussi pour cela que la petite Amélie prétend posséder et monter un cheval alors qu'il ne s'agit ... que d'un vélo. Pourquoi pas après tout et il ne coûte rien au lecteur d'entrer de plain-pied dans son univers et se laisser porter par cet amour qu'éprouve subitement la narratrice pour Elena, une Italienne de six ans, la très belle mais très indifférente, fille d'un diplomate. Cette petite fille est même un peu cruelle et inaccessible et cela augure mal de sa vie de femme adulte. Cet amour né du premier regard suscite chez Amélie une volonté d'attirer son attention mais cela tombe à plat et elle avoue elle-même que cette expérience lui a fait découvrir en même temps "éblouissement, amour, altruisme et humiliation". Elle vit en effet dans l’illusion de l'enfance, de son imaginaire chevaleresque et médiéval, éprouve pour Elena une véritable fascination. La petite Amélie fait ici l’apprentissage de l'amour, pas celui des adultes qui est bien différent, sensuel, hypocrite et éphémère, mais c'est un sentiment sans arrière-pensée, pur, absolu, parfait, seulement inspiré par la beauté et qui s'exprime dans la seule volonté d'être avec Elena, de la regarder, de lui obéir aveuglément, de monopoliser son attention, son intérêt. Il s'agit bien d'un sabotage, c'est à dire d'une destruction volontaire, mais par Amélie elle-même, presque un sabordage. Il est bien question ici d'un premier amour d'enfant qui lui aussi préfigure celui des adultes, avec sans doute le plaisir, les illusions, mais surtout la souffrance qui va avec.
Il s'agit du deuxième roman d’Amélie Nothomb paru en 1993. il retrace par le menu une sorte de voyage dans l'enfance, un parcours initiatique avec ses compassions, son merveilleux, son exaltation, ses projets, mais aussi ses folies, sa naïveté, ses fantasmes, sa culture du secret, ses espoirs forcément déçus, ses trahisons, ses violences, ses déceptions, un peu comme si elle voulait retarder son entrée dans l'autre monde, celui des adultes, celui de la vraie vie où tout est compromis voire compromissions. J’observe quand même que, même si elle évoque l'univers de l'enfance, elle met parfois dans sa propre bouche d'enfant des remarques d'adultes.
Ce livre est court comme le seront ceux qui suivront et ce n'est pas pour me déplaire quoique j'apprécie le style simple mais classique de l'auteure, ce qui pour moi en facilite la lecture. Cela dit je l'ai peu accompagnée dans son voyage et, à certains moments, j'ai eu le sentiment que des passages n'étaient pas destinés à autre chose qu'à meubler et à nourrir des longueurs toujours fastidieuses pour le lecteur.
©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com
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