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la feuille volante

Le cas Sneijder

N° 1486 - Juillet 2020.

 

Le cas Sneijder – Jean Paul Dubois – Éditions de l’Olivier.

 

Que Paul Sneijder soit un cas, ça ne souffre pas la contradiction encore que sous la plume de Jean Paul Dubois, les malchanceux sont nombreux. Alors qu’il vient d’avoir soixante ans, lui qui est doué d’une mémoire exceptionnelle se souvient sans joie de ce que fut son parcours. Mal marié deux fois successives il perd sa fille dans un rarissime accident d’ascenseur auquel il a survécu après un long coma. Cette chance d’être passé à côté de la mort ne plaît guère à Anna, sa deuxième épouse, « cadre plein d’avenir », qui se voyait bien veuve et ce d’autant qu’elle avait un amant depuis deux ans, quant à Paul, il ressort de cette épreuve avec des crises d’angoisse claustrophobes et un intérêt pour les ascenseurs ! Voir mourir son enfant est la chose la plus douloureuse qu’on puisse imaginer et qu’aucune religion ne peut apaiser et cela est tellement bouleversant qu’on est amené à faire des choses que la raison en temps ordinaires vous empêcherait de décider. Est-ce d’avoir approché la mort de près, la culpabilisation d’avoir survécu à cet accident où a péri sa fille ou simplement sa nature, il devient indifférent à tout. Après son hospitalisation il démissionne de son emploi qu’il pouvait cependant garder, devient promeneur de chiens, ce qui au Québec où il habite est une chose courante mais qui ne correspond cependant pas à son âge, choisit d’ignorer l’adultère de sa femme et renonce même au procès, gagné d’avance selon son avocat, que ce dernier entend intenter à la compagnie d’ascenseurs et qui ne peut que lui rapporter une petite fortune. Même le succès qu’il rencontre dans son nouvel emploi l’indiffère et il souhaite le quitter allant même jusqu’à agresser un de ses clients et forme le projet surréaliste d’aller à Dubaï juste pour essayer un nouvel ascenseur ! Être devenu une charge pour Anna mais aussi une source de honte, pour elle qui tient à garder son rang social, lui est complètement égal et il se polarise sur l’étude des ascenseurs et sur la conservation des cendres de sa fille jusque dans sa chambre. De la honte à la haine il n’y a qu’un pas que sa femme franchit allègrement mais Paul commence lui aussi à envisager l’éventualité de la mort d’Anna. Depuis son accident il est devenu attentif à tout, à la vie en particulier en n’ayant plus peur des ascenseurs, relativise bien des choses, s’intéresse aux chiens malgré son allergie. Il y a dans ce roman une odeur de mort, des vrais morts et des morts potentiels, de ceux dont on désire la disparition le plus vite possible parce que leur présence est devenue insupportable, parce que le concept même de la famille n’existe plus, parce que Paul vit dans une ambiance suicidaire.

J’ai apprécié comme toujours l’humour décalé et un peu froid de Jean-Paul Dubois, son style fluide et poétique qui transforment chacune de mes lectures en réel plaisir. En revanche les considérations philosophiques sur les ascenseurs et les chiens m’ont laissé dubitatif. On ne dira jamais assez combien un mariage raté peut être définitivement néfaste pour la vie de quelqu’un, surtout s’il se faisait beaucoup d’illusions au sujet de l’amour qui en principe doit présider à une telle union et surtout résister au temps et aux épreuves. Divorcer n’est pas forcément la solution qui peut être simplement de laisser les choses en l’état en se recroquevillant sur soi-même, en attendant que le temps passe et que la mort vienne. Ici, sa chère famille à trouvé la solution pour lui.

Le livre refermé je comprends mieux la symbolique de l’ascenseur où il était enfermé et où il a survécu. Maintenant, pour mieux se débarrasser de lui, pour mieux intenter le procès qu’il refusait et qui allait à coup sûr l’enrichir, lui et surtout sa famille, pour laisser les mains libres à Anna et à ses ébats adultères et surtout pour qu’elle n’ait plus honte de lui, on allait l’enfermer légalement dans un asile d’aliénés pour officiellement le protéger contre lui-même. Après tout il est « Le cas Sneijder », celui qui a survécu à cette chute d’ascenseur et qui en a évidemment été marqué, un cinglé dont sa chère famille se préoccupe, évidemment pour son bien. Il ne lui reste plus qu’à faire confiance au hasard pour être délivré mais tout cela est bien trop improbable comme est improbable tout ce qu’il imagine pour lui-même et qui ne se produira jamais. Encore un qui n ‘est pas à sa place ci-bas !

©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com

 

 
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