la feuille volante

L'élixir d'amour

La Feuille Volante n° 1131

L’élixir d'amour Eric-Emmanuel SCHMITT - Albin Michel

 

J'ai pris ce roman sur les rayonnage d'une bibliothèque pour le nom de l'auteur et peut-être aussi pour le titre qui me semblait être tout un programme intéressant. Qu'en est-il en réalité ? C'est un échange de courriels entre Adam, resté à Paris et Louise installée à Québec. Ils ont été amants pendant cinq années, mais cette liaison qui apparemment a été passionnée est maintenant terminée et Adam souhaite qu'elle se transforme en amitié. En réponse, Louise fait allusion à cette relation à la fois sensuelle et fusionnelle mais indique qu'elle a cessé à cause des infidélités avérées d'Adam.

C'est elle qui la première fait allusion à « l'élixir d'amour » une pièce de théâtre qui fut l'occasion de leur rencontre mais aussi le philtre qui suscite cet amour, miracle spirituel ou scientifique ? L'associe-t-elle au parfum « cuir de Russie » qui aurait des vertus aphrodisiaques ? C'est elle qui semble raccrocher cet Adam qui lui se présente comme un incorrigible Don Juan. Il prétend l'avoir trouvé à l'occasion des séances de psychanalyses qu'il conduit dans son cabinet puisque, par le processus de « transfert », il se trouve être l'objet, mais pas toujours le bénéficiaire, des pulsions amoureuses, voire érotiques, de ses clientes. Chacun file le parfait amour tout aussi passionné, elle avec un certain regret, lui avec ferveur, de chaque côté de l'Atlantique. Suivent une série d'arguments contradictoires peu convaincants et plutôt barbants, une liste d'aphorismes bien sentis et parfois pertinents où il est question d'amour, de désir, de jalousie, d'hypocrisie, de liberté d'aimer, de choisir ou d'être choisi, de destin, de hasard, de « coup de foudre », de magnétisme qui sourd du corps de l'autre ou du besoin d'amour qui tracasse, de mariage vécu comme une servitude volontaire, de serments forcément utopiques et naïfs, de chagrin, de mensonge..., autant de truismes ordinaires et largement rebattus qui  ont fait naître de ma part une foule de remarques qu'il serait inutile d'égrener ici parce que le temps n'est pas à la dissertation sur un sujet peut-être éternel mais sûrement toujours remis en question parce que l'amour est censé accompagner notre vie.

Au bout du compte, que reste-t-il, de ce roman dont le titre promettait beaucoup ? Adam, sous des dehors conquérant, parfois un peu cynique, se révèle être une sorte de victime, sans doute assez comparable à ces femmes qu'il abandonnait lui-même après en avoir fait ses éphémères amantes. Il s'est fait posséder comme un débutant par cette Canadienne venue du froid, pour le moins inattendue et étonnante, sous des apparences très féminines. Pour le reste, cet échange épistolaire tourne à l'analyse « intellectuelle » d'une toquade vécue par chacun d'eux au présent avec, à contre-champ de souvenir de ce que fut la leur, sans doute avec une bonne dose de regrets. Ils y parlent non pas d'amour, mais « sur l'amour », affectent une sorte de détachement dans leurs propos, tentent d'analyser ou d'expliquer « le coup de foudre ». Il m'est venu l'idée que, lasse d'être trompée, Louise, non contente de quitter Adam, s'est vengée de lui avec cet épisode peut-être un peu téléguidé, de sorte de cet élixir se révèle être un poison bougrement efficace...Quant au pari de Pascal, je n'en étais pas très convaincu quand il parlait de Dieu, l'appliquer à l'amour me paraît tout aussi hasardeux.

 

© Hervé GAUTIER – Avril 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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