ROBERT DES NOMS PROPRES
- Par hervegautier
- Le 15/06/2015
- Dans Amélie Nothomb
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N°923– Juin 2015
ROBERT DES NOMS PROPRES – Amélie Nothomb – Albin Michel.
L'idée exprimée dans la 4° de couverture n'était pas mauvaise : faire la biographie de son propre assassin, après tout puisque nous sommes dans une fiction restons y. Je me suis dit que même si je n'avais pas pour les romans d'Amélie Nothomb beaucoup d'attirance ni beaucoup d'intérêt, cela valait peut-être la peine. J'ai donc lu l'histoire de cette jeune fille au prénom étrange, « Plectrude » (pourquoi pas après tout, l'auteure fait souvent dans l'originalité quand il s’agit de baptiser ses personnages). Le lecteur suit donc par le menu son enfance, son parcours scolaire cahoteux, sa passion pour la danse, la beauté de son regard, son attirance pour la mort, ses parents éphémères, l'aura qui émane d'elle l'admiration et l'envie qu'elle suscite, surtout pour ses parents de substitution, son amitié unique pour Roselyne, ses émois amoureux pour Mathieu… L'auteur précise que notre Plectrude a surtout un attirance pour ce qui est nouveau, surtout quand, dans sa classe, cette nouveauté ressemble à un beau garçon. Jusque là rien de bien original.
J'ai noté quelques aphorismes bien sentis mais, en revanche je n’ai que très modérément goûté l'humour supposé des réponses de la jeune fille qui passe pour un génie dans sa classe alors que rien ne le laisse supposer. Et d'ailleurs elle interrompt prématurément ses études secondaires et entre, comme elle en a toujours rêvé, à l'école de l'Opéra. Elle réalise l'idéal de sa mère qui en est ravie. La jeune fille sort brutalement de l'enfance à travers cette discipline librement consentie de la maigreur, ce rite initiatique fait d'elle une anorexique avec des carences alimentaires inévitables. Elle risque donc sa vie pour le plaisir de danser mais se brise une jambe. Cette fracture lui fait prendre conscience de son exclusion du monde extérieur mais sa carrière est définitivement arrêtée et sa mère qui vivait sa réussite par substitution tombe gravement malade du fait de sa défection. L'auteure en profite pour critiquer la dictature imposée aux « petits rats » par l'école et la culpabilisation qui va avec. Elle fait peut-être appel à sa propre expérience mais, à la longue, cela devient lassant. C'est vrai que le thème était intéressant, devoir renoncer à ce qu'on pense être son destin sans pouvoir faire autrement, voir soudain tout se liguer contre soi pour faire échec à ce qu'on voulait faire de sa vie… A ce compte là, on est prêt à n'importe quoi et surtout à entreprendre ce qu'on avait tout particulièrement évité jusque là. A cette occasion tout explose et sa mère dépitée lui révèle tout, l'assassinat de son père, le suicide de sa mère… Pour une adolescente qui ainsi perd tout, c'est tragique et l’instinct de mort s'insinue en elle avec ce décompte macabre qui correspond à un compte à rebours personnel. Le thème de la « reproduction du modèle » était intéressant mais juste effleuré ici. Il y a aussi ce retour à la vie, la découverte du théâtre, de la chanson et l'envie d'enfant qui, paraît-il, habite les femmes. C'est plutôt rassurant ! Je veux bien que le hasard fasse bien les choses, qu'on soit, pourquoi pas, dans un conte de fées et que l'auteur reste maître de son histoire, mais le happy-end, avec cette possibilité d'être heureux dans l'âge adulte, m'a toujours parut un peu artificiel et bien loin de la réalité.
Mais la 4° de couverture dans tout cela et surtout cette idée de l'assassin ? J'avais eu l'impression d'entamer un roman policier ou quelque chose de ce genre mais à la moitié du livre j'en étais encore à l'histoire assez banale d'une jeune fille à laquelle je m'intéressais en me faisant violence à chaque page, motivé par un épilogue qui m’étonnerait peut-être, à moins que cela ne soit le temps pluvieux qui me maintenait en compagnie de ce roman. Robert ? C'est le nom d'un dictionnaire mais c'est aussi celui d'une chanteuse dont l'auteure est la parolière. C'est en tout cas le pseudonyme choisi par Plectrude, revenue à la vie, pour sa carrière d'artiste. En tant que modeste auteur, j'ai toujours été fasciné par la rencontre d'un écrivain avec un de ses personnages et des relations qui peuvent en découler. Après tout là aussi nous sommes dans une fiction et ce thème aurait pu être utilement développé. L'étrange proposition que résulte de cette entrevue et qui génère l'épilogue ne m'a pas non plus convaincu
Je n'ai peut-être rien compris et ,je suis encore une fois passé à côté d'un chef d’œuvre, mais franchement je ne suis pas entré dans ce roman. A mon sens il y avait pourtant des thèmes intéressants qui auraient pu être développés. Jusqu'à il y a peu, je ne connaissais pas Amélie Nothomb et son nom était pour moi lié à un phénomène littéraire prolifique (un roman par an). J'ai donc voulu en savoir davantage et m'y suis intéressé sans à priori. Je fais encore une fois le constat du désintérêt que je ressens quasiment à chaque fois que je referme un de ses romans pourtant lus avec les meilleurs intentions du monde. Je poursuis donc ma lecture, davantage pour pouvoir en parler que pour le plaisir de lire qu'elle me procure. Mais après tout, être écrivain c'est aussi se mettre en situation d'être jugé par la premier lecteur venu… et je suis celui-là !
©Hervé GAUTIER – Juin 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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