Le grand monde
- Par hervegautier
- Le 20/05/2022
- Dans Pierre Lemaître
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N°1642 – Mai 2022
Le grand monde – Pierre Lemaitre- Calman Levy.
La saga de la famille Pelletier commence à Beyrouth avec l’évocation de la prospère savonnerie familiale qu’aucun des quatre enfants ne veut reprendre. Jean, dit Bouboule, qui rate tout part pour Paris, avec sa femme Geneviève, une détestable créature profiteuse, garce et adultère qui l’humilie en permanence. Il y retrouve François qui, après avoir fait croire qu’il était admis à Normale Sup tente des débuts laborieux dans le journalisme pour se spécialiser plus tard dans les « faits divers » ; pour Étienne c’est Saïgon à la poursuite de son amant, un légionnaire qui a disparu, quant à Hélène, la petite dernière restée dans le giron parental, elle ne rêve que d’évasion, en profitant quand même de la vie avec au fond d’elle sa fascination pour le grand monde parisien. Cette « fuite » des enfants de cette famille nous réserve pas mal de rebondissements.
Pierre Lemaitre embarque son lecteur dans un autre monde. A Saïgon c’est la vie facile de « l’indo » avec la corruption, la concussion, les vapeurs d’opium, le trafic de piastres et la prostitution qui succède aux senteurs de savon de l’entreprise familiale. C’est aussi la guerre contre le Viêt-minh, ses atrocités, ses malversations et ses paradoxes comme on en rencontre dans tous les conflits armés. A Paris ce sont les années difficiles de l’après-guerre puis les Trente Glorieuses. Chacun des personnages de cette famille éclatée en appelle d’autres, non moins truculents, avec toutes ces aventures racontées avec une écriture vive et un évident plaisir narratif, plein de verve de suspens et d’humour mais aussi d’une grande précision documentaire et le culte du détail qui ne peuvent laisser le lecteur indifférent. On y rencontre un tueur en série, un chat, un « chevalier blanc » qui veut purger la société des maux qui la gangrène et spécialement de la corruption des hommes politiques, le grand prêtre d’une secte pas très catholique, une famille qui se veut respectable mais qui peu à peu se délite, une vieille affaire qui ressurgit puis une autre qu’on veut enterrer, dans l’ambiance de la guerre d’Indochine, la fin de la Deuxième guerre mondiale et ses tickets de rationnement, ses manifestions ouvrières durement réprimées et les Trente Glorieuses. Je ne sais cependant pas si, dans ce contexte, l’épilogue est vraiment porteur d’espoir ou de rebondissements.
C’est un récit jubilatoire qui j’ai lu avec un réel plaisir et pas seulement parce que j’aime les sagas. On ne s’ennuie vraiment pas au cours de ces presque six cents pages. J’attends la suite avec intérêt et je ne suis pas le seul.
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