la feuille volante

Mon désir le plus ardent

La Feuille Volante n° 1304

 

Mon désir le plus ardent Pete Fromm – Gallmeister.

Traduit de l'américain par Juliane Nivelt.

 

C'est l'histoire d'amour de Maddy et de Dalton, deux adolescents américains, qui commence dans les rapides du Wyoming. Ils sont persuadés d'êtres faits l'un pour l'autre et que leur rencontre tient du miracle d'autant plus que Maddy s'était promis de ne jamais choisir un garçon de son âge, encore moins un guide de rivière comme elle. Pourtant il en a été tout autrement et elle a même abandonné Troy pour lui préférer Dalton. La nature et la liberté les accompagnent, tissent autour d'eux un bonheur unique dont ils entendent bien profiter. Ils forment un couple fusionnel, ont la vie devant eux, ils sont jeunes, beaux, se font mutuellement des serments de fidélité, font des projets, vont se marier, avoir des enfants et fonder une entreprise de rafting dans l'Oregon puis une activité de pêche. Il y a cette symbolique de l'eau vive et pure où ce couple évolue au début. Elle se réfère à leur amour et l'image est parlante. Comme rien n'est jamais parfait en ce monde, c'est la sclérose en plaques qui se déclare chez Maddy et va durablement bouleverser sa vie et celle du couple. C'est d'autant plus terrible que cette maladie se manifeste au moment où elle se croit enceinte, attribuant ses vertiges à son état de future mère, une manière d'opposer la douleur et la maladie à la vie à venir. Cela commence par le tremblement d'une main, puis se prolonge par une fatigue générale qui lui enlève la possibilité de tenir normalement sa maison, puis viennent les pertes de sensations tactiles de plus en plus fréquentes, une détérioration durable de son corps, la marche avec une canne, l'usage du fauteuil roulant manuel puis électrique, l'invalidité qui s'installe de plus en plus...

Ce que je veux retenir ici, c'est le destin de ces deux personnages pour qui tout paraissait idyllique et qui, tout d'un coup, sont frappés par le malheur sous la forme d'une maladie que la médecine peine à soulager et surtout à guérir. D'ordinaire c'est plutôt la lassitudes, l'usure des choses, les rencontres extérieures, la certitude qu'ailleurs c'est mieux que chez soi... qui mettent fin à l'amour et à un des piliers de notre société qu'est le mariage. Ici l'auteur choisit de réveiller le bagage génétique que nous portons tous en nous et qui peut se révéler destructeur. La maladie peut détruire un couple mais dans leur cas elle le soude, le renforce parce que ensemble ils ont résolu de faire triompher la vie, d'avoir des enfants malgré le risques de transmission héréditaire. Dalton abandonne le rafting et la pêche pour devenir charpentier et ainsi être aux côtés de son épouse, aménage pour elle leur maison, s'occupe des enfants, Pourtant c'est la naissance de leur premier enfant qui révèle le mal que Maddy porte en elle, un peu comme si cette naissance faisait triompher la vie sur la douleur et la mort qu'elle sous-tend.

Le lecteur suit passionnément cette histoire vécue et racontée par Maddy. Il y a une dualité dans ces deux personnages. Elle est forte et fera face courageusement à cette épreuve, choisit même d'en rire, fait ce qu'elle peut pour éviter les maternités mais, par amour pour Dalt qui veut avoir des enfants, elle cède et Atty et Azzy naîtront. Lui est amoureux fou de sa femme, prêt à tout pour elle, même à abandonner sa passion de la rivière pour se consacrer à elle, la soigne comme il peut, se consacre à sa famille. L'auteur nous montre un couple plus fort que l'adversité, qui résiste à la tentation de la séparation. Quand Maddy parle à son mari de divorce parce que sa vie à lui n'est pas terminée et qu'il peut encore être heureux avec une autre femme en bonne santé, celui-ci lui rétorque que même s'il a pensé un instant à la mort, la sienne, il ne conçoit pas la séparation avec elle, mais finit par détester l'homme qu'il est devenu. La séparation de leurs parents qui bien souvent, pour les enfants, fait de la famille la pire chose de leur vie est ici balayée d'un revers de mains, un peu comme si la maladie de Maddy était, pour eux, une raison supplémentaire de resserrer les liens familiaux, un peu comme si la fuite du temps n'avait aucune prise sur eux, comme s'ils avaient décidé une bonne fois pour toute que pour eux la vie a été belle, qu'ils ont été chanceux de se rencontrer et de vivre ensemble et ce malgré le temps qui passe, les enfants qui quittent la maison et la mort qui viendra inévitablement.

Le récit de Fromm se joue du temps et de la chronologie, chaque chapitre pouvant pratiquement être lu presque séparément du roman, faisant fi de maladie qui n'est plus dès lors mentionnée que sous le sigle SP, comme une sorte de déni.

J'avoue que je ne sais quoi penser à une époque où le mariage se termine de plus en plus souvent par le divorce et ce pour des raisons bien plus futiles, ce qui fait largement douter de la solidité des liens qu'on dit devoir exister toute une vie. Nous sommes certes dans une fiction et surtout dans une histoire intime et je suis partagé entre cet univers qui le temps d'un roman, transporte le lecteur dans une autre dimension, et la réalité. J'avoue n'avoir vraiment ressenti de l'émotion qu'à la fin.

 

Je ne connaissais pas Pete Fromm avant que le hasard ne me fasse croiser son œuvre. Son style direct, abrupt même et sans véritable recherche évoque la maladie dans sa cruauté, dans les difficultés qu'elle sous-tend pour cette famille. Je me suis un peu forcé pour croire à cette histoire d'amour qui défit et triomphe de la maladie et du le temps qui passe.

©Hervé GAUTIER – Décembre 2018.http://hervegautier.e-monsite.com

 
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