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la feuille volante

Meurtres à Niort - Une affaire d'Etat

La Feuille Volante n° 1278

 

Meurtres à Niort , une affaire d’État- Frédéric Bodin – Le gestenoir..

 

Nous sommes au printemps 1936 à Niort et le train de nuit venant de Paris arrive en gare avec deux passagers en moins. A Thouars, quelques heures plus tard, on retrouve deux cadavres sur la voie. Drôle d'affaire pour des villes de province réputées calmes. On songe à un accident, à un meurtre peut-être et le commissaire des Chemins de Fer Bonsergent est chargé de l'enquête, Mais rapidement, ce qui pouvait ressortir de la routine va prendre une autre dimension puisque l'une des victimes, Anna Comblet, est la belle-fille d'un important industriel niortais travaillant pour la défense nationale et l'autre, l'inspecteur Boismé, un policier parisien chargé d'enquêter sur d'éventuels faits d'espionnage dont serait victime cette entreprise. L'enquête qui démarre écarte très vite la thèse de l'accident pour privilégier celle d'un double homicide, des meurtres qui vont sortir Niort de sa torpeur avec, en contrepoint , les relations internationales dégradées à cause de la montée du nazisme et l’émergence du Front Populaire. De plus, la lutte entre la police locale et les espions allemands désireux de s'approprier des secrets militaires pour une guerre qui s 'annonce va embrouiller un peu les recherches. Tout se complique avec des rebondissements, des disparitions, des fausses pistes, des filatures, des prises de contact discrètes avec des cadres de l'usine niortaise, des meurtres, tous à l'arme blanches, et surtout une suspicion qui pèse sur Anna du fait de sa nationalité allemande et de ses parents qui, restés dans leur pays, sont l'objet de brimades de la part de la Gestapo . Le tout dans l'atmosphère électrique des élections législatives en France...

 

C'est écrit dans le style simple et précis d'un polar, Ce premier roman est bien documenté et se rattache à l'histoire et la vie locale de l'époque, notamment par les références aux journaux et aux documents d'archives. Je l'ai lu pratiquement sans désemparer tant l'intrigue est surprenante et passionnante, le suspense y est entretenu jusqu'à la fin.

 

A titre personnel, ce texte a réveillé dans ma mémoire ma fascination pour les trains, l'ambiance surannée d'une gare du milieu du siècle dernier, l'haleine blanche des locomotives au charbon inondant la marquise de la station, sur le quai le mécanicien attentif avec sa burette d'huile à la main et son visage noirci, la voix chuintante des hauts-parleurs, l'épaisse torpeur des trains de nuit, la promiscuité des compartiments, les photos en noir et blanc de paysages qui les décoraient, le filet à bagages, les miroirs qui se faisaient face et multipliaient une image fuyante et oblique à l'infini, le confort douillet des voitures de 1° classe auxquelles je n'avais pas accès et je ne parle pas des wagons inconfortables et malodorants de 3° classe, le contrôleur à qui je tendais mon petit carton rose, son composteur de laiton qui le poinçonnait, le tangage monotone des boggies, la peur de s'endormir dans le train et de manquer la gare ... Et je me suis aussi souvenu des michelines aux couleurs délavées qui s’arrêtaient à toutes les gares de campagne...J'y ai retrouvé la ponctualité des trains de l'époque, l'amour des cheminots pour leur métier, leur jargon, leur mémoire des correspondances et des horaires et cette sorte d'aristocratie du rail qui différenciait les « roulants » et les mécaniciens des autres cheminots…

 

J'y ai retrouvé aussi l'atmosphère d'une ville de province, sans doute différente de ce qu'elle est aujourd'hui, peut-être, moins attractive à l'époque, plus inconnue aussi sans doute, puisqu'on avait du mal à la situer sur le cadastre national. Le décor est au rendez-vous : le marché ici est toujours une tradition niortaise qui remonte au Moyen-Age, les foires de la place de la Brèche faisaient aussi partie de la vie de cette cité comme les bords de Sèvre qui annoncent le Marais Poitevin tout proche et « Le Grand Café » était le lieu de rencontre des Niortais . On pouvait même y croiser l'écrivain Ernest Perrochon, Prix Goncourt 1920 qui y avait ses habitudes. La balade dans la ville de l'époque a un petit côté suranné mais bien agréable quand même.

 

Cette intrigue mérite bien le sous-titre d'une « affaire d’État ». Ce fut pour moi un bon moment de lecture.

 

© Hervé GautierSeptembre 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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