Créer un site internet
la feuille volante

L' ordre du jour

La Feuille Volante n° 1207

L'ordre du jour - Eric Vuillard – Actes sud. Prix Goncourt 2017.

 

Nous sommes le 20 février 1933 et Allemagne nazie s’apprêtent à recevoir l'hommage, sous forme de millions de deutschemarks, des industriels allemands, Krupp, Opel , Siemens, Bayer... vingt quatre capitaines d'industries qui plus tard puiseront dans les camps de concentration la main- d’œuvre nécessaire à leur essor. L'argent est le nerf de la guerre, comme on le sait et la guerre, les nazis ne demandent qu'à la faire, elle assurera la fortune de ces généreux donateurs !

 

Dans ce court récit Eric Vuillard se fait l’historien de cette période qui va de 1933à 1938 au terme de laquelle sera enfin réalisé le rêve d'Hitler d'unifier sous son autorité les pays de langue allemande, l'Allemagne et l'Autriche et tant pis si, pour en arriver là, on bouscule un peu le droit, la diplomatie, le respect des frontières et même les gouvernants puisque le chancelier autrichien Schuschnigg est remplacé manu militari par le nazi Seyss-Inquart. Pourquoi se gênerait-il, le caporal autrichien devenu chancelier d'Allemagne, puisque la France et l'Angleterre semblent se désintéresser de tout cela. D'ailleurs, plus tard, lors d'un dîner au 10 Downing Street, l'ambassadeur Ribbentrop qui allait devenir ministre du Reich, amusa Churchill,Chamberlain et Lord Catogan avec ses exploits sportifs pour mieux masquer cette information et retarder la réponse britannique à l'invasion de l'Autriche. C'était le début d'un processus qui se terminerait en septembre 1938 par les accords de Munich, l'annexion des Sudètes tchécoslovaques et la Deuxième Guerre Mondiale. Le plus étonnant sans doute fut que les Autrichiens accueillirent les envahisseurs nazis dans la liesse, à grands renforts de saluts fascistes et à leur tête Hitler, même si tout ne s'est pas aussi bien passé que prévu. Après tout, le dictateur était un enfant du pays qui revenait chez lui ! Quant à l'allégresse qui a accompagné cette entrée du Führer, il ne faut tout de même pas exagérer, on avait avant bien préparé le terrain et l'ombre des SA s'étendait déjà depuis quelques temps sur le pays, quant à l'appui des panzers prévu pour accompagner ce qui est une véritable prise de pouvoir, c'est plutôt à une panne mécanique générale à laquelle on a assisté. On nous a montré des films de propagande des images sélectionnées comme toujours pour faire illusion, mais quand même !

 

L'auteur nous donne des détails par forcément retenus par l'Histoire, insiste sur le bluff qui a présidé à tout cela et l'incroyable crédulité du monde qui, à ce moment-là, a plié devant l'ahurissant culot d'Hitler, un peu comme si le conflit qui s'annonçait devenait inévitable Il l'évoque d'ailleurs à propos « Les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas ». Cela rappelle l'invasion de la Rhénanie, pourtant démilitarisée par Hitler en mars 1936, un véritable coup de poker qui, s'il avait été contré par la France comme cela eût été logique aurait sans doute changé le cours de l'histoire. Devant l'apathie générale, le Führer avait décidé d'agir parce que c'était pour lui le moment favorable à ses visées destructrices, une occasion de plus de bafouer le traité de Versailles et de s'imposer face aux atermoiements franco-britanniques. Cela a si bien fonctionner que Daladier et Chamberlain ont été acclamés à leur retour de Munich comme les sauveurs de la paix !

 

Hitler n'a cessé de délivrer un discours pacifique alors qu'il préparait et développait la guerre, n'a cessé d'affirmer aux Allemands eux-mêmes l'état impeccable de l'armée alors qu'il n'en était rien, a délivré contre les Juifs un discours de haine et de mort. Cela a si bien fonctionné que l’Église catholique s'en est mêlée, les curés appelant en chaire à voter pour le parti nazi lors du référendum en faveur de l’Anschluss, parant les églises de drapeaux à croix gammées. Le résultat fut sans appel, un véritable score digne d'une république bananière ... et des suicides massifs de Juifs. Cela annonçait sans doute la connivence et le silence assourdissant du pape Pie XII face à la Shoah, un peuple toujours considéré à l'époque comme déicide.

 

J'ai rencontré l’œuvre d'Eric Vuillard par hasard et même si le thème traité rappelle un moment peu glorieux de l'histoire de l'humanité, c'est écrit avec conviction et talent et cela procède aussi du devoir de mémoire.

 

 

© Hervé GAUTIER – Janvier 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire