la feuille volante

06h41


 

La Feuille Volante n° 1388 Septembre 2019.

06H41- Jean-Philippe Blondel - Éditions Buchet Chastel.

Le titre sonne comme un indicateur des chemins de Fer. Ça tombe bien, me suis-je dit, j'ai passé une partie de ma jeunesse dans les trains et je les ai toujours considérés comme un lieu privilégié propice aux rêves et aux rencontres. Cécile Duffaut, 47 ans, chef d'entreprises, mariée à Luc qu'elle va rejoindre, prend effectivement ce train qui la mène de Troyes à Paris. Dans le compartiment à côté d'elle une place est libre où vient s'installer par le plus grands des hasards Philippe Leduc. Ils sont été amants il y a vingt sept ans et leur liaison a été orageuse et éphémère; ce voyage menace donc d'être difficile, entre rancœur et embarras, quatre-vingt dix minutes d'un trajet lourd et silencieux de part et d'autre. Chacun reconnaît l'autre mais tout au long de ce voyage n'en laisse rien paraître parce que cette passade a laissé trop de mauvaises traces que cette rencontre vient raviver. Ils mènent chacun une introspection personnelle faite de souvenirs malsains qui donnent la mesure du temps passé et aussi le vertige, à l'aune des amitiés et des amours de passage et qu'on prend ainsi conscience du vieillissement des corps et des esprits. Au rythme de son autocritique, chacun se remémore les phases de cette amourette qui aurait pu être une belle histoire mais ne l'a pas été, son épilogue destructeur, se rappelle avec une étonnante précision les erreurs, les mots blessants, les petits détails assassins qui l'ont accompagnée, rejoue un scénario surréaliste où tout pourrait être différent, refait le chemin à l'envers,et, malgré le temps, tisse un espoir un peu fou. On mesure les conséquences que cette aventure amoureuse a pu avoir sur leur deux parcours, on constate le poids trop lourd du passé et peut-être aussi l’impossibilité du présent. Ils n'échangeront que quelques paroles convenues, une politesse de façade comme volée au silence qu'ils ont décidé d'établir entre eux au terme d'un accord tacite, un peu comme si les paroles qu'ils auraient voulu échanger et qui leur ont été soufflées par leur mémoire qui revient, leur resteront dans la gorge. Il n'y aura que de vagues allusions, que des banalités sans suite même si le dénouement laisse planer un doute qui m'a paru quelque peu artificiel et plein d'interrogations pour un avenir très éventuel auquel il m'a été difficile de croire cependant. C'est donc une sorte de drame intime et secret entre deux personnages coincés dans un espace volontairement exigu et que les circonstances amènent à se pencher sur leur délétère passé commun, une sorte d'unité de temps, de lieu... et d’inaction, une réflexion sur l'amour qui ne dure pas toujours, comme on le dit trop souvent, suivi peut-être d'une plongée hasardeuse dans l'avenir. Allez savoir !

Je suis d'autant plus facilement entré dans ce roman que j'ai souvent imaginé une telle situation provoquée par le hasard. L'auteur se l'approprie et l'installe dans des circonstances où l'hypocrisie et le secret prévalent et prospèrent, avec une conclusion cependant un peu décevante à mon goût .

J'ai découvert Jean-Philippe Blondel par hasard et j'aime la nostalgie qui se dégage de ses romans, cette ambiance un peu surannée et en demi-teinte qui les baigne. C'est bien et simplement écrit et l'auteur touche son lecteur. Cela a beau être une fiction, j'ai été favorablement intéressé par les postures de chaque personnage et l'analyse de leurs sentiments, de leurs états d'âme.


 


 


 

©Hervé Gautier.http:// hervegautier.e-monsite.com

 
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