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la feuille volante

JOURNAL D'HIRONDELLE

N°852 – Janvier 2015

JOURNAL D'HIRONDELLE - Amélie Nothomb – Albin Michel (2006)

Un courtier non identifié, la trentaine, vient de vivre une rupture amoureuse mais s'y révèle complètement insensible. Comme si cela ne suffisait pas, il est licencié de son emploi et devient, un peu par hasard, tueur à gages. Non seulement cela tombe bien puisqu'il a toujours été passionné par le tir mais en outre il ressent une véritable jouissance dans l'acte de tuer. C'est à tout le moins ce qu'il lui semble après l'exécution de son premier contrat et cela augmente avec les suivants. Cela compense sans doute son manque d'amour et son abstinence sexuelle forcée. Pire peut-être, il en vient à tuer pour le plaisir, sans raison autre que ce fameux bien-être qu'il ressent à chaque fois et qui ressemble de plus en plus à un orgasme. Il éprouve cependant le besoin d'en rajouter dans la volupté en sa masturbant furieusement après chaque assassinat. Apparemment sans cette pratique de l'onanisme sa libido n'est pas satisfaite. Peu lui importe d'ailleurs que ses victimes soient des hommes ou de femmes pourvu qu'il agisse vite, sans le moindre état d'âme, il est désormais adepte du « fast-kill » en référence au « fast-food ». Il accompagne ses gestes meurtriers de la musique de « Radiohead », une véritable drogue qui l'aide à tuer. Au début du roman, il n'a pas de nom mais au fur et à mesure des pages il prend celui d'Urbain puis d'Innocent. Tel est le décor mis en place par Amélie Nothomb pour développer cette intrigue romanesque où se mêlent meurtres en série et l'histoire intime de cet homme. J'avoue bien volontiers que j'ai lu cet ouvrage, agréablement écrit, avec curiosité , à cause du suspens distillé par les rebondissements que le texte réserve au fur et à mesure du déroulement des faits. Le monologue du narrateur qui confie au lecteur ses états d’âme sur le ton de la confidence entretient d'ailleurs cette impression.

En revanche, j'ai eu un peu de mal à suivre Urbain quand il explique la relation qu'il met entre l'hirondelle qui vient mourir dans son appartement et le journal intime de la jeune fille assassinée à qui il donne le nom de l'oiseau. Je n'ai pas bien compris non plus l'importance de ce diaire qui motive tant d' assassinats. Apparemment il ne contient rien qui puisse justifier un tel carnage puisqu'aussi bien le jeune homme lui-même choisit de mourir pour cela. Je veux bien qu'il y ait une connotation amoureuse voire sexuelle dans ce concept, avec tout ce qu'on peut y mettre de frustrations, mais j'avoue que cela m'échappe un peu. M'a échappé aussi l'importance de ce document, apparemment anodin, pour le commanditaire de cette tuerie. Ces homicides sont présentés comme des « crimes parfaits » en ce sens qu'Urbain n'est jamais inquiété ni recherché par un quelconque policier. De plus Urbain commet ses actes sans laisser de traces avec une technique présentée comme infaillible pour les éventuels enquêteurs, d’ailleurs absents, mais il est vrai que je ne suis pas adepte de ce genre de meurtres pour en goûter pleinement l'intérêt. Je veux bien que nous soyons dans une fiction mais il faut qu'elle soit quand même vraisemblable.

Ce qui m'a gêné aussi c'est la relative absence des personnages secondaires qui, m'a-t-il semblé, ne font ici que de la figuration. J'aurais aimé qu'ils fussent plus présents , plus analysés dans leur comportement. Le changement de prénoms du narrateur, au gré de ses « emplois », accentue l’impression de dépersonnalisation du personnage principal. La dissertation autour de la mort de l'oiseau, de l'enfouissement symbolique de son corps dans un cimetière parisien et du sentiment de retour à la vie éprouvé par Urbain, les fantasmes que la jeune fille assassinée et son cahier qualifié de « rince-âme » suscitent chez le jeune homme m'ont cependant paru une piste intéressante, malheureuse un peu délaissée par l'auteur. J'ai été déçu par cette histoire d'amour un peu bizarre, cet attachement « post-mortem » à cette jeune fille qu'il vient de tuer mais qui apparemment le fascine toujours à travers les mots de son journal. Le laconisme de la quatrième de couverture[« C'est une histoire d'amour dont les épisodes ont été mélangés par un fou »] avait pourtant tout pour susciter mon attention et mon intérêt.

Je suis peut-être encore une fois passé à côté d'un chef-d’œuvre mais j'ai franchement été déçu par la lecture de ce roman. C'est malheureusement l'impression coutumière que je ressens à la lecture des œuvres d'Amélie Nothomb qui est pourtant un écrivain à succès.

©Hervé GAUTIER – Janvier 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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