la feuille volante

Paolo CONTE - « Concerti » (1985) «  Arena di Verona » (2005).

 

 

N°255 Juillet 2006

 

Paolo CONTE - « Concerti » (1985) «  Arena di Verona » (2005).

 

Ce qui reste, en tout cas pour moi, d’un concert de Paolo Conte, c’est une impression, celle que me donne le musicien, parce que, avant tout Paolo Conte, c’est une musique, un style, un rythme, bref une originalité.

 

Cette musique simple et émouvante, mariage heureux entre le saxophone et le piano [Parigi - La topolino amarante – Hemingway], clavier aux touches d’ébène et d’ivoire, de la couleur des notes de la portée, bois vernis du piano, miroir au tain sombre qui renvoie l’image virtuelle des doigts qui le caressent et en tirent alternativement des plaintes mélancoliques[Madeleine] ou un jazz entraînant[Boogie – La vecchia giacca nuova] accompagné par un orchestre talentueux et complice. La note bleue, « la blue-note », reste une quête qui plaît à mon oreille et qui, comme chaque recherche à cette dimension de hasard et d’exercice, de satisfaction et de remise en question. Il y a aussi cet instrument (à vent – à bouche ?) dont je ne connais pas le nom et dont il joue avec gourmandise. Les sons nasillards qui en sortent sont la prolongation de sa voix rocailleuse et envoûtante. Le public ne s’y trompe pas qui l’applaudit et certaines de ces chansons, « Come di », « Un gelato al limon », «  via con me », font maintenant partie du patrimoine italien. C’est un chanteur populaire au point que ses meilleurs enregistrements sont ceux qui sont réalisés en concert. Malgré la barrière de la langue, il y a quelque chose qui passe entre le public et lui, comme un fluide et la communion entre eux est complète. C’est que sa voix est unique, basse et un peu rauque. Elle va bien à son style.

 

Il y a aussi les mots dont la musique non plus ne m’est pas indifférente. Ils procurent un supplément d’âme et d’images à l’auditeur attentif. Il joue sur l’opposition des couleurs alternativement sombres et claires [Il y a dans son écriture une symbolique forte, une opposition poétique. Je ferai probablement un jour cette étude] .

 

Il y a tout un travail d’écriture sur les allitérations, même s’il est vrai que l’italien est une langue chantante par elle-même. Elle est dit-on, faite pour parler aux femmes, mais Paolo Conte nous parle des femmes avec émotion, talent et amour. Les mots sont évocateurs, en demi-teinte, suggestifs et le souvenir des moments souvent amoureux est à chaque fois fortement tissé (Parigi). Le non-dit suscité est très présent.

 

Je suis réceptif à cette intention constante de marquer sa différence, de souligner son originalité, sa révolte contre les choses établies, rejetées peut-être ? Je sais que mon hypothétique lecteur va encore se dire que je suis un amoureux impénitent de la mélancolie, parce que l’amour existe mais n’est pas aussi bleu qu’on le voudrait (Bamboolah), pas aussi heureux non plus [« l’amour c’est comme le vent du nord qui balaye les jardins et ruine les rêves de récolte » - Ce n’est pas de moi, mais toujours trouvé ces mots pleins de bon sens et de beauté], parce que la vie est brève, que le hasard existe (Chissa) qui l’embellit ou la noircit, en tout cas il lui imprime sa marque plus souvent que nous voulons bien l’admettre, qu’elle peut être simple mais aussi autre chose, que la mort existe qui vient tout gâcher, que nous sommes mortels avant tout, que la solitude faut aussi partie du quotidien malgré les rencontres, que les souvenirs embellissent l’existence!

 

Ce que je retiens aussi, ce sont ces images fugaces de cinéma, des journaux qui s’envolent, une glace au citron offerte à une femme, le thème de l’eau toujours récurrent, celui de la mer, de la pluie ou d’une douche chaude, celui de la ville avec ses bruits de vie, celui d’une journée passée à la mer, pour l’unique plaisir de rester seul à regarder autour de soi, de figer le temps sur le papier glacé d’une photographie… Ces paroles ne sont pas un simple habillage des notes, elles sont porteuses d’un véritable message, mélancolique (Il nostro Amico Angionilo), allégoriques (Diavolo Rosso) même si elles sont parfois déconcertantes, surréalistes même, comme s’il voulait garder ses mots pour ne pas les perdre (Hemingway) et insistent sur la mémoire des moments amoureux (Parigi), sur la dérision (La vecchia giacca nuova- La topolino amarante). Elle fait aussi partie de la vie, heureusement, et l’humour aide bien souvent à la supporter, surtout quand le poids du passé, des souvenirs est trop fort.

 

© Hervé GAUTIER http://monsite.orange.fr/lafeuillevolante.rvg 

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