la feuille volante

Les carnets du major Thompson

N° 1563- Juillet 2021

 

Les carnets du major Thompson (découverte de la France et des Français) – Pierre Daninos. Hachette.

(dessins de Walter Goetz) .

 

Quand il s’agit de nos amis Anglais (qui sont toujours nos amis) je suis toujours un peu partagé entre « l’Entente Cordiale » et la « perfide Albion », je me dis qu’ils sont toujours nos ennemis héréditaires d’autant qu’il y a historiquement des différents comme Jeanne d’Arc, Fachoda et Mers el Kebir qui ont toujours un peu de mal à passer. J’ai pourtant relu avec le même plaisir cet ouvrage datant de 1954 qui, à travers le regard d’un officier anglais, évidement de l’armée des Indes, compare, face à M. Taupin (ou Turlot, ou Charnelet) bien Français, nos deux peuples avec cet humour très britannique et nous croque avec d’autant plus de pertinence que son auteur est Français. Ce dernier se présente, avec une certaine cocasserie comme le traducteur du Major et j’apprécie vivement, pour le pratiquer moi-même à l’occasion, cette relation un peu surréaliste qui existe entre l’auteur qui tient la plume et qui est une personne bien réelle et son personnage, simple créature de papier, qui prend petit à petit consistance au point d’imposer ses vues personnelles. Je les imagine en tête à tête, discutant d’un point de grammaire pour éviter un contre-sens ou confrontant leurs avis sur un point de notre histoire commune, de nos cultures respectives ou de la personnalité comparée d’individus de nos deux nations.

Ce Thompson est bien comme on s’imagine un anglais traditionnel (à tout le moins dans les années 50, l’image qu’on peut en avoir aujourd’hui est sans doute sensiblement différente) avec son prénom improbable (W. Marmaduke), son chapeau melon, sa peau blanche légèrement rosée, son œillet à la boutonnière, son costume croisé et le « Times » sous le bras. On croit même entendre son accent britannique et le « fog » londonien dans sa voix.

Il est décidément à son affaire dans son entreprise de comparaison sur tous les points de vue et spécialement sur le sujet de la façon de se conduire en société, de la nourriture, du sport (il évoque le Tour de France, le dénigrant un peu en parlant d’une compétition de bicyclettes alors qu’il s’agit de vélo, « of course »), du thé, des femmes et même de l’amour, mais il aurait parfois pu s’exprimer en phrases moins longues (ou que son traducteur aurait eu la bonne idée de raccourcir), à moins que ce ne soit un hommage discret rendu à Marcel Proust qui avait lui aussi un petit air anglais. Les Anglais ont cette caractéristique de ne pas compter comme le reste du monde ce qui réserve aux non britanniques des sueurs froides pour convertir distances et températures s’il veulent s’y retrouver, et d’ailleurs, que ce soit sur la route ou le week-end (pardon la fin de semaine) il y aura toujours une différence entre nous. Il a en tous cas raison, il faut rire de tout, c’est notre seule façon de nous sortir de la morosité ambiante qui est une constante quelle que soit l’époque, mais dans son cas il le fait « à l’anglaise », c’est à dire sans ostentation, façon humour britannique, cela va sans dire.

Pierre Daninos (1913-2005) qui est pourtant l’auteur d’autres romans, reste principalement connu pour sa série sur le Major Thompson. D’ailleurs, dans une forme de clin d’œil complice, il confie à son lecteur qu’il se plaît davantage dans le rôle de traducteur que dans celui d’écrivain ! J’ai à nouveau passé un bon moment avec ce livre plein d’humour, de verve, de bon sens et de vérités premières sur les Français, même si les choses ont un peu changé depuis le temps et même s’il y a sous la plume du Major, un petit peu de mauvaise foi, mais de bon aloi quand même !

Il dira ce qu’il voudra de nous, notre Major, mais il y a décidément beaucoup d’Anglais dans nos provinces actuellement (il avait déjà, à l’époque élu domicile dans notre hexagone, convaincu sans doute par la french way of life) et si à titre personnel il a épousé en première noce une anglaise caricaturale comme le montrent les dessins, il a, une fois veuf, contracté un second mariage avec une de nos compatriotes. Cela traduit certes son bon goût mais c’est aussi en quelque sorte un hommage à la beauté des Françaises, n’est-il pas ?

 
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