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la feuille volante

Nuits parisiennes des années 1980

N° 1488- Juillet 2020.

Nuits parisiennes des années 1980 Arnaud-Louis CHEVALLIER – Ateliers Henry Dougier .

Tout d’abord je remercie des éditions « Ateliers Henry Dougier » de m’avoir fait parvenir ce livre. Dans la collection « Une vie, une voix » cette édition entend distinguer des voix ordinaires ou singulières qui évoquent notre mémoire commune. C’est ainsi que sont déjà parus des témoignages comme « Mireille, ouvrière de la chaussure » de Philippe Gaboriau ou « La mère Lapipe dans son bistrot » de Pierrick Burgault. Jusqu’à présent c’était le monde du travail qui était évoqué, ici c’est plutôt celui de la nuit, des plaisirs, de la séduction, donc de l’éphémère que l’auteur a connu et aimé dans ces établissements qu’il a parfois lui-même dirigés mais qui aujourd’hui ont disparu. Il évoque, en de courts chapitres où l’humour n’est pas absent, ses souvenirs personnels de ces nuits parisiennes des années 1980.

Avec ce livre, moi le provincial, je me suis laissé guider dans un périple nocturne et halluciné à la rencontre de lieux insolites disparus et d’improbables personnalités animatrices de la nuit, souvent de belles femmes sensuelles, Viscose, la fêtarde, l’organisatrice de soirées peu ordinaires, Coralie à la fascinante beauté, au parcours cahoteux, aux nuits dangereuses, Klaus, le biker, tous en rupture familiale et sociétale, alcooliques, désespérés et violents, toute une population underground et marginale décrite, d’un établissement à l’autre, à travers des détails vestimentaires, des photos, des attitudes excentriques. Chaque lieu avait son style, sa façon de consommer, de vivre la nuit qu’irriguaient l’alcool, le sexe et la drogue mais aussi une grande liberté dans les relations, malgré les overdoses et le sida.

En réalité c’est un petit monde noctambule, parfois interlope qui nous est présenté ici entre skinheads violents et starlettes allumées, acteurs gothiques et femmes lascives en porte-jarretelles, saynètes porno et lancers de nains, spectacles au scénario approximatif et musiques psychédéliques, tenues évanescentes et smokings... Les protagonistes dont notre auteur a fait évidemment partie, trouvent dans la nuit une occasion de changer de peau, d’échapper à leur vie quotidienne et laborieuse et fréquentent cafés-restaurants, bistrots ou simples endroits privés qui se changent en lieux qui le sont beaucoup moins et où, généralement, ils ont l’art de se compliquer l’existence avec des situations rocambolesques pour mettre un peu de folie dans leur cocon routinier. Le contexte est particulier, souvent inattendu voire drôle mais malheureusement parfois beaucoup plus tragique ! Pourtant, ce récit détaillé, ce regard posé sur la nuit et ses folies a quelque chose d’une fin de parcours personnel un peu nostalgique avec son lot désillusions, l’émergence des attentats (déjà) et l’apparition des agents de sécurité.

Le style est simple mais enjoué, délicieusement humoristique et même érotique. Les souvenirs personnels d’Arnaud-Louis Chevallier sont à la fois bien documentés dans ce domaine particulier et ont quelque chose d’attachant, même si on n’est pas coutumier de ces soirées déjantées. Ils nous invite, en habitué et même en ancienne star de la nuit, dans des fêtes improvisées, nous fait partager les aventures de ses copains, ses anecdotes personnelles, ses succès féminins mais aussi ses fantasmes et ses revers. Ce que je retiens à titre personnel, en dehors de ce contexte un peu particulier auquel je suis étranger, c’est la beauté des femmes, le sens de la fête qui aide à combattre la morosité ambiante, le dépaysement, l’originalité de certaines situations qui m’évoquent ce mot de je ne sais plus qui  « soyez fous, dans la vie on ne l’est jamais assez », mais aussi que le temps passe et avec lui les illusions et les projets. Les lieux jadis emblématiques de la fête sont transformés en bureaux ou en EHPAD, l’auteur est passé de la lumière à l’ombre, c’est l’éphémère des choses qui reprend le dessus et avec lui le temps qui pèse de tout son poids et la solitude qui s’installe.

Ce récit paraît paradoxalement au moment où les boîtes de nuit sont fermées, Covid 19 oblige, que la nuit parisienne perd sans doute un peu de son âme, qu’une page se tourne, une de plus.

 

 
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