LA SALLE DE BAIN
- Par hervegautier
- Le 29/05/2015
- Dans Jean-Philippe TOUSSAINT
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N°915– Mai 2015
LA SALLE DE BAIN- Jean-Philippe TOUSSAINT – Les éditions de Minuit.
Le narrateur, 27 ans, vaguement universitaire, semble éprouver du plaisir à garder la salle de bain comme on garde la chambre quand on est malade, mais apparemment il n'est pas malade ! Dans son appartement où il vit avec Edmondsson, sa femme, la vie se déroule au jour le jour et où nous assistons, avec un luxe de détails et même une certaine lenteur au dépeçage de poulpes de la part de Polonais venus en réalité pour repeindre la cuisine ! Sans qu'on sache pourquoi, il reçoit une lettre de l’ambassade d'Autriche. Puis, dans une deuxième partie, le lecteur finit par comprendre que le narrateur se retrouve à Venise où il part précipitamment et s’installe dans un hôtel où il passe son temps à jouer au fléchettes et où sa femme le rejoint. Il est là sans but précis. Ils forment un couple assez bizarre et l'ambiance qui se dégage de leurs relations est étonnante un peu comme ils étaient des étrangers incapables cependant de vivre loin l'un de l'autre mais qui s'ignorent quand ils sont ensemble, un peu comme un vieux couple ! A Paris, ils semblent s'aimer mais quand son épouse le rejoint à Venise où il était impatient de la retrouver, ce qu'on peut aisément comprendre, c'est pour mener deux vies séparées pendant toute la journée, farniente et jeu de fléchettes pour lui, visites culturelles pour elle. Il se passe quelques temps et sans raison particulière, elle repart pour Paris tandis que lui demeure dans la Sérénissime alors qu'il aurait toutes les raisons de la quitter puisqu'il a contracté une sinusite. Il choisit même de s'y faire soigner dans un hôpital dont il peut sortir aussi aisément que s'il y était à l'hôtel. On se demande bien ce qui le retient à Venise, et ce n'est sûrement ni le tourisme ni son métier (historien?) et, sans être spécialiste, c'est sans doute la dernière ville où il faut séjourner quand on a une sinusite, surtout quand on n'a rien a y faire de particulier. Donc une succession de sketches où si la salle de bain ne joue pas forcément le rôle central mais n'en n'est pas moins présente au début et à la fin du récit et symbolise sans doute toute l’aberration de cette situation.
Le personnage lui-même reste une énigme, à la fois hypocondriaque, inattendu et surpris lui-même de se trouver dans la position dans laquelle il se trouve. Il raconte son histoire, qui est aussi une histoire d'amour, mais sans aucune passion et même avec un certain détachement. De tout cela il ressort une idée de vide, soulignée par la présentation du texte en paragraphes numérotés qui n'ont parfois rien à voir les uns avec les autres
Je ne sais toujours pas quoi penser des romans de Toussaint en général et de celui-ci en particulier. En tout cas, il distille une petite musique quotidienne qui est le reflet de nos vies et cela me plaît, je m'y retrouve même si je m'y perds un peu mais je dois avouer qu'elle est quand même captivante quoiqu'un peu absurde.
Je n'ai que très récemment croisé les romans de cet auteur. Après une période d'étonnement sans doute légitime, j'avoue que je suis entré complètement dans cet univers où il en se passe rien, ou le hasard tient une grande place et sert de boussole à des personnages qui ont l'épaisseur du quotidien et de l'éphémère et sont même un peu étrangers à ce monde, un peu comme moi peut-être ? De plus les relations entre les gens me paraissent bien rendues, aussi hypocrites et temporaires que dans la vie courante.
C'est le premier roman publié de Jean-Philippe Toussaint paru en 1985. A sa sortie, alors qu'il était complètement inconnu, la critique a parlé de « Nouveau »nouveau roman à cause de l'originalité de son expression et a présenté son auteur comme un révolutionnaire de l'art romanesque. Il est assurément un auteur inclassable, plus sûrement intéressé à s’attacher son lecteur par les situations décalées du texte et sa qualité de rédaction que par le thème général volontairement déroutant et qu'on peine à comprendre. Paradoxalement peut-être ce fut pour moi un agréable moment de lecture.
©Hervé GAUTIER – Mai 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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