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la feuille volante

NO ET MOI

N°863– Février 2015

NO ET MOI- Delphine de Vigan – JC Lattès..

Moi, c'est Lou Bertignac, une adolescente de 13 ans, en classe de seconde, surdouée, qui s'ennuie un peu en classe et mène une vie plutôt rangée. Son professeur la charge de faire un exposé et elle choisit d'évoquer la vie d'une SDF qu'elle a rencontrée par hasard et pour qui elle a ressenti une sorte d'empathie. No, c’est Nolwenn, cette jeune femme de 18 ans qui sera le sujet de son intervention. Cela tombe bien, c'est dans l'air du temps même si le sujet, pourtant un vrai problème de société, est un peu dur pour Lou. Qu'importe elle prend la chose à bras le corps. Malgré le gouffre qui les sépare Lou va prendre contact avec elle pour enrichir ses réflexions et son exposé sera un succès. Inévitablement, cette relation va entraîner des confidences réciproques et une volonté de la famille de Lou d'arracher No à sa condition. L'auteur évoque le quotidien de la jeune marginale autant que celui de Lou qui se livre à des expériences personnelles bizarres et fréquente Lucas, une sorte de cancre de 17 ans. Au sein de sa famille il y a un équilibre instable né du deuil d'un enfant et d'une profonde dépression de la mère et chacun fait ce qu'il peut pour exorciser ces épreuves. Ce genre de situation fait toujours naître, chez l'être humain, des réactions inattendues et Lou, malgré son jeune âge se sent comme investie d’une mission. Non seulement elle veut protéger sa mère mais elle étend cette protection à son père, à Lucas et évidemment à No. Grâce à cela peut-être, la mère sort petit à petit de la dépression, se reconstruit en s’intéressant à No qui elle-même fait des efforts pour échapper à la rue.

J'ai ressenti dans ce texte une sorte de malaise, de solitudes vécues indépendamment par chacun. Celle de Lou qui est dans une bulle à cause de sa différence mais est comme fascinée par Lucas qui est amoureux d' elle, celle de la mère à cause de la dépression, celle du père qui fait ce qu'il peut pour surnager dans tout cela, celle de Lucas qui est l'objet au collège d'un ostracisme de son professeur, qui est constamment dans la provocation et qui s'enfonce de plus en plus dans cette situation, celle de No qui vit mal sa condition et son histoire de marginale.

C’est une belle histoire, bouleversante mais réaliste comme celle qu’on peut rencontrer au quotidien même si la fiction lui donne une dimension quelque peu utopique, mais après tout peu importe. Elle fait naître des amitiés sincères qui font découvrir à Lou la vraie dimension du quotidien, la réalité de la dureté de la vie, l’évidence que rien n’est jamais acquis et que tout peut basculer du jour au lendemain pour chacun d'entre nous. Le sujet, malheureusement de plus en plus d'actualité, est traité sans grande complaisance et gomme un peu l'éveil à la sexualité qui est celui de Lou. Cela aussi procède des quelques pas dans le monde extérieur qu'elle commence à faire et on se demande comment elle gérera toutes ses découvertes futures même si on ne se fait pas beaucoup de soucis pour elle. Pourtant, il lui faudra admettre que tout n'est pas aussi simple et idyllique que dans son monde personnel, qu'il ne suffit pas de vouloir une chose pour qu'elle se réalise, qu'autour d'elle le décor a quelque chose d' artificiel, de temporaire, de brutal aussi où le rêve n'a pas sa place.

Le style est simple, sans recherche, spontané, bien dans le ton des personnages évoqués et fort agréable à lire. Le livre refermé, j'ai le sentiment d'avoir lu un livre témoin de son temps et un peu naïf à la fois, j'en ai poursuivi la découverte en me demandant comment cela allait finir et avec l’intuition qu'il pouvait se poursuivre à l'infini.

J'ai découvert Delphine de Vigan un peu par hasard et j'avoue que je continue la lecture de son œuvre avec une certaine curiosité.

©Hervé GAUTIER – Février 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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