la feuille volante

La villa

La Feuille Volante n°1018– Février 2016

La villa - Peter Nichols - Éditions Nil.

Traduit de l’américain par Sarah Tardy.

 

Malgré son récent AVC, Lulu Davenport ne fait pas ses 80 ans et paraît encore jeune. Elle tient encore son petit hôtel, la villa « Les Rochers » à Majorque fréquentée par des habitués. Gérald Rutledge est écrivain, ne fait pas vraiment dans le best-seller et vivote de sa production d'olives. Il est en moins bon état mais leurs différences ne s'arrêtent pas là. Ces deux-là, s'ils se sont évités pendant cinquante ans se retrouvent ici par hasard et vont mourir ensemble, un peu bêtement d’ailleurs : Nous sommes en 2005. Tel est le point de départ de ce roman qui, bien qu'il se passe au soleil de Majorque et évoque la légèreté et farniente, les bougainvilliers et les oliviers, va promener le lecteur dans les lourdes arcanes du temps.

A l’aide de nombreux analepses qui déroutent un peu le lecteur, l'auteur va recomposer la vie de Lulu et de Gérald qui ont jadis été amoureux l'un de l'autre, se sont mariés en 1948 puis ont rapidement mis fin à leur bref mariage tout en demeurant à Majorque. Nous ne saurons qu'à la fin ce qui a motivé une si brève union mais franchement je n'ai pas vraiment ressenti le suspens qui aurait pu être entretenu tout au long de ce roman tant les apartés sont multiples qui diluent un peu l'intérêt tissé a départ.

La 4° de couverture annonce la couleur « Sexe, mensonges et Martini... » C'est à peu près le résumé de ce roman où tout semble être artificiel et superficiel. Ici, les individualités, les désirs, la luxure, l'adultère et le destin s'entrechoquent. Alors qu'entre les autres personnages c'est plutôt une ambiance de légèreté qui prévaut, il y a beaucoup de non-dits, de secrets de famille en suspens depuis un demi-siècle entre Lulu et Gérald, une atmosphère lourde et sombre qui n'a fait qu'enfler avec le temps, cette impression malsaine de quelque chose qu'on regrette, des erreurs ou des malentendus, un abcès qu'on n'a pas crevé et qui ont fait d'eux des ennemis intimes. Tout cela tranche évidemment avec les paysages ensoleillés de l’archipel. Il y a eu leur vie après leur divorce, leur mariage respectif, la personnalité de leur conjoint, le deuxième divorce de Lullu et le veuvage de Gérald, les enfants qu'ils ont eu séparément puis les enfants de ces enfants et les relations qu'ils ont entretenues ensemble. Il y a Luc, le fils de Lullu, un cinéaste un peu rêveur mais bien mal inspiré, un époux pas très fidèle cependant, Aegina, la fille de Gérald, femme d'affaires efficace avec Charlie, son fils adolescent. Pour Luc, Aegina qui est assurément amoureuse de lui est la seule femme qu'il ait jamais aimée, mais il est à la fois maladivement timide et par trop maladroit, à cause peut-être de ce qui s'est passé jadis entre Gérald et Lullu. Ces deux enfants ont un passé commun mais qui n'a rien à voir avec l'histoire de Lullu et de Gérald.

Il y a beaucoup de personnages dont l’histoire nous est racontée ici sur trois générations. Cela pouvait donner l'occasion d'une saga passionnante mais j'ai noté pas mal d’apartés (notamment l'accident de Luc, passé par dessus bord qui, s'il est un peu émouvant au début, n'en est pas mois assez invraisemblable) qui, à mon sens, sont autant de touches inutiles. Cela a rendu ma lecture laborieuse et même carrément ennuyeuse, seulement motivée par l'engagement que j'avais pris de fournir un commentaire à la suite de l'envoi gracieux de Babélio et des éditions du Nil que je remercie de m'avoir sélectionné. Pourtant, vers le milieu du livre (le roman fait quand même près de 500 pages) mon attention a été attirée par le personnage de Gérald. C'est un écrivain fasciné par l’Odyssée d'Homère et dont le livre « Le chemin vers Ithaque » évoque le voyage initiatique d'Ulysse qui met dix années d'épreuves avant de revenir vers son île après la fin de la guerre de Troie. C'est aussi une véritable tragédie qui examine les conséquences d'un instant sur les générations suivantes. Gérald est aussi un marin qui a pas mal bourlingué en Méditerranée et qui a débarqué un jour à Majorque pour ne plus la quitter à cause du magnétisme que cette île opère sur lui. Il reste en effet attaché à ces quelques arpents d'une oliveraie qu'on veut lui faire vendre en vue d'une opération immobilière juteuse où, évidemment il laissera des plumes.

C'est le second roman de Peter Nichols, inconnu de moi jusqu'à ce jour. Il se peut que je sois passé à côté d'un chef-d’œuvre mais, le livre refermé, je dois dire que j'ai été assez déçu par ma lecture.

© Hervé GAUTIER – Février 2016. [http://hervegautier.e-monsite.com ]

 
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