MAMAN – Un film d'Alexandra Leclère.
- Par hervegautier
- Le 14/05/2012
- Dans Alexandra Leclère
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N°577– Mai 2012.
MAMAN – Un film d'Alexandra Leclère.
Alexandra Leclère s'attaque encore une fois au drame de la famille. Déjà, avec « les sœurs fâchées » (La Feuille Volante n° 554) elle avait mis en scène deux femmes que tout opposait. Ici, ce sont également deux sœurs, Sandrine ( Mathilde Seigner) et Alice (Marina Foïs), la quarantaine, parisiennes, mais bien différentes l'une de l'autre qui voient, tout d'un coup, leur mère, Pauline, divorcée (Josiane Balasko) dont elles n'avaient pas de nouvelles depuis vingt ans, débarquer dans la capitale parce qu'elle a été abandonnée par l'homme avec qui elle vivait. Cette mère acariâtre, excessive et égoïste compte sur ses filles pour la seconder et l'aider dans sa nouvelle vie et peut-être aussi lui faire oublier son échec sentimental. C'est surtout l'occasion pour elles de régler avec leur mère un vieux compte. Elle ne les a jamais aimées, elle n'a jamais su être maternelle bref elle n'a été pour ses filles qu'une véritable étrangère. Elles vont donc la kidnapper le temps d'un week-end dans un manoir breton pour lui faire prendre conscience de ses carences affectives et l'obliger enfin à les aimer.
Au début c'est Sandrine qui ouvre le bal et s'oppose ouvertement à sa mère alors que sa sœur paraît vouloir rechercher un compromis. Alice, plus docile, semble même être à la traîne de sa sœur, mais, tout d'un coup, elle prend conscience que l'occasion est trop belle et sort de ses gonds. C'est à cause de cette mère indigne que ses filles ont manqué d'amour, que Alice passe son temps à refuser la maternité en se faisant avortée et que Sandrine a une vie sentimentale décousue. Des claques volent en même temps que des mots durs mais aussi des menaces de mort... Alice et Sandrine veulent faire payer à Pauline tout ce temps perdu, toutes ces occasions manquées. Chacun finit par s'expliquer et il n'y a rien de manichéen dans cette situation. Il y a une opposition entre le calme de la mer et la violence des scènes de ce film préfigurant peut-être la réconciliation du dénouement qui se conclue par une sorte de « happy end », si on veut le voir comme cela, dans le fait que Sandrine qui était la plus remontée contre sa mère, à tel point qu'elle ne pouvait même pas l'appeler « maman », lui donne enfin ce titre.
Il y a sans doute de l'autobiographie dans ce film, mais nous sommes nombreux sans doute à avoir souffert de l'abandon ou de l'indifférence de nos parents. L'amour maternel est une sorte de fantasme que nombre d'écrivains et de poètes ont célébré et qui a été, en quelque sorte, sanctifiée par une fête annuelle, même si celle-ci nous vient des temps contestés du pétainisme. A mes yeux, c'est plutôt bien d'avoir montré que toutes les femmes ne sont pas maternelles, et pourquoi le seraient-elles d’ailleurs ? Nous avons tous vécu avec cette sorte d'image d’Épinal où la femme devenue mère se sacrifiait pour ses enfants. Il suffit de promener son regard sur notre société, d'écouter parler les gens, de recueillir leur témoignage pour se persuader que toutes les grandes idées qu'on peut avoir sur la famille en général et sur les mères en particulier se révèlent souvent être des idées fausses mais qu'on transforme rapidement en tabou pour éviter de les évoquer. Après tout, toutes les petites filles n'ont pas joué à la poupée au sortir du berceau et si, mariées, elles ont donné la vie, ce n'était pas forcément par désir mais on peut imaginer qu'elles l'ont fait par hasard, par erreur, par accident ou pour satisfaire à un besoin de descendance de leur famille. L'amour n'est pas forcément au rendez-vous et elles ne sont pas, dans ces conditions, tenues d'aimer leurs rejetons. Tant pis pour eux, il faudra qu'ils s'y fassent, qu'ils vivent avec ce manque toute leur vie et qu'ils parviennent, peut-être à le surmonter !
Ce film, même s'il comporte des longueurs inévitables compte tenu du thème traité n'est pas une fable, pas une fiction, bien au contraire, c'est un drame, une histoire banale mais douloureuse qui malheureusement se reproduit trop souvent et génère injustices et traumatismes pour les enfants qui sont, bien souvent, les seuls à payer.
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