Le premier ghetto
- Par hervegautier
- Le 08/07/2020
- Dans Alice Becker-Ho
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N° 1481 - Juillet 2020.
Le premier Ghetto - l’exemplarité vénitienne- – Alice Becker-ho – Éditions Riveneuve.
Tout d’abord je remercie les éditions Riveneuve et Babelio de m’avoir permis de découvrir ce livre.
Au cours de leur histoire les Juifs, terme qui englobe autant la race que la religion, ont été marqués par l’exil et par les persécutions qu’ils ont subies de la part des populations généralement chrétiennes des pays dans lesquels ils s’étaient établis. Ils n’étaient pas autorisés à posséder la terre et pour vivre ne pouvaient que faire le commerce de friperie et de prêteur sur gages dans les quartiers des villes où ils se regroupaient. De tout temps la communauté juive a non seulement fait l’objet d’une discrimination visant à distinguer ses membres des populations autochtones, par des signes spécifiques vestimentaires notamment, mais aussi a cristallisé contre elle des situations agressives suites à la survenance d’épidémies, de guerres ou de famines, ce qui s’est toujours opposé à leur intégration. L’antisémitisme, notamment au Moyen-Age, et ce pour des raisons souvent religieuses mais pas seulement, a provoqué dans cette communauté massacres et expulsions. Pourtant, en Espagne à cette époque, vivaient en parfaite harmonie les communautés juives chrétiennes et arabes. Les Juifs de la diaspora ont trouvé refuge dans de grandes villes, notamment à Venise, mais si la Sérénissime les a accueillis, c’était certes par esprit de tolérance mais également par intérêt, et au XVI° siècle elle les a contraint à vivre dans un quartier fermé et surveillé qui leur était réservé et où ils pouvaient exercer toutes les activités et leur culte, « le ghetto », qui doit son nom italien aux fonderies qui y étaient jadis implantées, même si l’origine de ce mot est controversé. Ce quartier s’est développé en ghetto vecchio, nuovo et nuovissimo ce qui traduit l’importance et l’accroissement de la communauté juive qui ainsi vivait en paix à Venise et profitait de son essor. Ce mot est depuis attaché à tous les endroits où vivent des juifs, mais est aussi emblématique des massacres notamment perpétrés contre eux par les nazis pendant la deuxième guerre mondiale.
D’une manière générale la République de Venise admet toutes les religions du moment qu’elles ne nuisent pas à l’État et au commerce. Lorsque l’Église interdit aux chrétiens la pratique de l’usure, le rôle des juifs n’en est que plus important dans une ville majoritairement catholique. Ils se sont intégrés à cette cité notamment par la pratique des conversions religieuses mais ces dernières étaient regardées par la communauté chrétienne traditionnelle souvent comme douteuses et génératrices d’hérésie. La République leur assigne un quartier, les protègent et leur permet d’exercer leurs métiers et leur culte mais les taxe, parfois lourdement, cependant les Juifs vénitiens considèrent cette cité comme une étape vers la Terre Promise .
L’auteure examine la création et le développement de Venise traditionnellement« tournée vers la mer et l’Orient » et donc vouée au commerce que pratiquaient traditionnellement les juifs mais au XVI° siècle des changements politiques vont détériorer cette position dominante. Elle étudie à travers les mots et expressions de plusieurs langues l’origine de ce mot ainsi que le sort des Juifs au cours de l’histoire dans différents pays.
C’est une brillante et pertinente étude historique et sémantique, richement documentée, tant du point de vue de ses origines que du fondement de la cité vénitienne dont la richesse était fondée sur le commerce, le respect des étrangers et donc des juifs et qui a mis en place un modèle politique républicain garantissant l’équilibre des pouvoirs et la stabilité qui en est résulté n’a pu que favoriser les échanges. Elle a constitué un modèle.
©Hervé Gautier mhttp:// hervegautier.e-monsite.com
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