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la feuille volante

BARBE BLEUE – Amélie Nothomb

N°676– Août 2013.

BARBE BLEUE – Amélie Nothomb – Albin Michel

 

Drôle d’histoire que celle de Saturnine Puissant, une jeune Belge de 25 ans un peu désargentée qui, venue enseigner au Louvre, cherche de quoi se loger. Elle répond à une petite annonce pour une colocation et rencontre le propriétaire, Dom Emilio Nibal y Milcar, un aristocrate espagnol, un « Grand d'Espagne » selon son propre aveu, qui accepte de lui louer pour un prix dérisoire une chambre dans son hôtel particulier parisien, avec la disposition de la domesticité, du chauffeur... Une occasion a ne pas laisser passer ! Le contrat de location précise qu'elle ne doit pas entrer dans la « chambre noire » qui lui sert à développer ses photos, alors même que celle-ci n'est pas fermée à clé. Elle remarque que les huit précédentes colocataires étaient des femmes et qu'elles ont disparu.

C'est que cet Espagnol est bizarre. Séducteur impénitent, fort imbu de lui-même, il est exilé en France mais ne sort pas de chez lui. Noble, il souhaite que cela se sache, richissime, il adore l'or qu'il possède apparemment à profusion, se déclare royaliste, catholique dogmatique, pratiquant jusqu'à l’extrême, cite la Bible à l'envi, fanatique de la Sainte Inquisition, il pratique volontairement le « trafic des indulgences », celui-là même qui est à l'origine du luthéranisme, en couvrant son confesseur d'or en échange de son absolution ! Rien à voir avec jeune femme libérée et moderne qu'il demande d'emblée en mariage, qu'il couvre de cadeaux et dont il satisfait les moindres caprices. Il l'invite à sa table à tout propos. Saturnine ne s'en laisse pas conter, argumente, finasse, se moque de lui, lui porte volontiers la contradiction jusqu'à l'impertinence, le provoque, prétend qu'elle ne tombera pas dans le panneau de la transgression de l'interdit pour ce qui concerne la « Chambre noire » parce que, elle en est sûre, il a assassiné les huit précédentes colocataires pour le même motif bizarre... et elle ne sera pas la neuvième ! A son amour, elle répond volontiers par des vacheries.

Apparemment les autres femmes ont peur de lui et pourtant il considère que la femme est la colocataire idéale, qu'il a aimé toutes les précédentes, mais elles sont disparu ! A Saturnine qu'il associe à l'or et au champagne de grandes marques, il offre une jupe qu'il a lui-même fabriquée, faite de riches tissus et d'une doublure d'un jaune particulier et mystérieux, et qui, lorsqu'elle la porte lui fait l'effet d'une étreinte amoureuse. Bien qu'elle considère Emilio comme un dangereux malade mental, elle ne tarde pas à tomber amoureuse de lui. Reste cependant les photos, au nombre de huit, apparemment cachées, la chambre noire, et qui ne représentent que des femmes mortes, l'occasion pour elle de mener une sorte d'enquête qui n'en est cependant pas une. Elle s'installe au contraire dans cette sorte d’ambiguïté où elle ne sera pas tuée puisqu'il lui a avoué son secret et qu'elle peut donc demeurer à ses côtés en tant que sa colocataire. Emilio la photographie elle aussi, mais à l'inverse des autres victimes, elle est bien vivante.

 

C'est une fable plaisante, facile à lire, bien écrite, pas dénuée du tout d'intérêt et de culture et qui évoque à la fois Henri VIII d'Angleterre (Barbe Bleue) pour l'amour des femmes et leur assassinat et la Fée Mélusine pour la transgression de l'interdit, une sorte de roman à énigme où, encore une fois, Éros dans avec Thanatos.

 

J'avoue que le nom d'Amélie Nothomb ne m'était pas inconnu mais je n'avais rien lu d'elle auparavant. Je l'ai découverte pour la première fois, autant par curiosité que par envie de lire un auteur connu et médiatisé.

 

© Hervé GAUTIER - Août 2013 - http://hervegautier.e-monsite.com

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