JE M'APPELLE VICTOR - Film de Guy Jacques.
- Par hervegautier
- Le 13/04/2009
- Dans cinéma français
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N°169
Octobre 1993
JE M’APPELLE VICTOR – Film de Guy Jacques.
Pendant près de deux heures, le spectateur, pour peu qu’il emboîte de pas de l’auteur, partage la vie, ou plus exactement l’univers de Basile, ce petit garçon de onze ans, amoureux de Cécile, une jeune fille plus âgée que lui et qu’il tente de séduire en lui faisant croire qu’il est réincarné et qu’ainsi il a connu son arrière-grand-père, le nain kleptomane…
En réalité, il puise dans les souvenirs d’une vieille dame, Rose, qui vit recluse dans son microcosme, au premier étage de la maison des grands-parents du garçon à Wassy.
Malgré les apparences, Rose n’a pas vieilli, car sa vie à elle s’est arrêtée au moment où, en pleine guerre de 14-18 sa mère devait venir la chercher et a trouvé la mort dans la petite gare de Wassy sans que Rose en sache rien. Depuis, clouée sur un fauteuil roulant à cause de l’autre guerre, elle vit avec cet espoir fou de revoir sa mère, mais aussi avec le souvenir de ce Victor, un coureur automobile qui lui aussi a disparu, qui était son compagnon et avec qui elle devait faire sa vie.
En fait, le personnage fascinant de Rose est en prise directe sur Basile au point qu’il s’identifie à Victor, qu’il prend sa place. Il n’a de cesse d’entraîner sa jeune amie dans «l’’île aux amoureux » à cause d’une légende instillée dans l’esprit de l’enfant par Rose elle-même.
Dans ce récit initiatique, il y a plus qu’une histoire, il y a une invitation au rêve, à l’amour, au merveilleux. Il y a ceux qui y sont déjà, Rose, qui n’en sortira que par la mort, ceux qui veulent y entrer, qui en entrouvre la porte, comme Basile mais qui souffre de ne pas entraîner celle qu’il aime dans sa démarche, parce que cet amour d’enfant est impossible, ceux qui resteront sur le seuil comme Cécile qui regrettera jusqu’aux larmes de ne pas sauter le pas parce qu’elle est consciente de l’impossibilité de cet amour, ceux qui sont ailleurs, dans un autre monde, différent mais tout aussi idyllique et qui n’en sorte que de temps en temps, le vieux Chef de Gare qui n’est plus là que pour lever les barrières et regarder passer des trains qui ne s’arrêtent plus mais qui reconstitue pour lui seul dans la gare désormais vide tout un réseau de train électrique, le grand-père de Basile, un ancien légionnaire qui n’a jamais vraiment quitté le Tonkin et qui en recrée le décor, ceux enfin qui sont étrangers à tout cela, le compagnon de Cécile, plus intéressé par la moto et les copains. Il est en dehors du monde de cette émouvante histoire, tout comme Luce, la grand-mère de Basile, bourrelée de remords. Elle n’y vit physiquement que dans les exagérations de son mari. Elle est fait une femme malheureuse, dominée par Rose qui lui est supérieure et qui l’écrase, l’étouffe…
Outre les excentricités des personnages, il y a l’atmosphère de ce film où le présent se mêle au passé par le truchement de la réincarnation feinte de Basile, et pourtant le spectateur ne sait jamais où s’arrête l’un et où commence l’autre, tant le fantastique et présent à chaque moment fort, au point que les souvenirs de Rose, véritables prétextes de ce récit resurgissent à l’occasion des larcins que le nain voleur avait cachés dans sa maison et qui réapparaissent comme par hasard !
Mais est-ce vraiment par hasard que Rose choisit de quitter son décor et sa vie parce que Basile, son complice, est venu lui annoncer «l’arrivée » de sa mère ?
Chacun des personnages vit dans un monde qu’il s’est construit parce que, pour lui, peu ou prou, il reste un peu de cet esprit d’enfance magique, merveilleux, poétique, mélancolique aussi. Bref, un film à la réelle personnalité, plein de rigueur et d’émotion.
© Hervé GAUTIER.
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