la feuille volante

Bel-Ami

N°1820 – Janvier 2024.

 

Bel-Ami – Guy de Maupassant

 

Revenu de son service militaire en Algérie, Georges Duroy vivote à Paris. La rencontre avec un ancien compagnon d’armes l’incite à devenir journaliste et à quitter sa modeste condition de petit employé. Il ne tarde pas a s’apercevoir qu’il plaît aux femmes qui n’ont d’yeux que pour lui, surtout quand elles sont mariées. Dès lors sa timidité du début disparaît, il prend de l’assurance et c’est à l’une d’elles qu’il doit son surnom « Bel-Ami » qui lui colle à la peau mais aussi la solution de ses problèmes d’argent. C’est à une autre, Madeleine, qu’il épouse et à qui il doit l’idée de s’anoblir et de modifier son nom plus aristocratique qu’il doit sa carrière de journaliste, même s’il ne se refuse ni liaisons ni adultères, trouvant dans ses maîtresses successives une occasion de se divertir et de les abandonner, parfois durement. Il reste que ce roman est, de la part de Maupassant, un hymne à la femme, à son pouvoir sur les hommes et ce d’autant plus qu’à l’époque elle est considérée comme la propriété de son mari, lui est juridiquement inférieure et doit rester dans l’ombre du foyer.

Nous sommes en présence d’un homme très ordinaire qui a fait sa notoriété et sa fortune grâce aux femmes. Duroy doit tout à son épouse Madeleine et c’est une vraie revanche pour elle ! Si la morale bourgeoise y trouve à redire, alors que l’inverse ne choque personne, il n’en reste pas moins que cet exemple est loin d’être unique et que sont nombreux les hommes qui choisissent des conjointes plus vieilles et plus riches qu’eux et tant pis si la raison l’emporte sur l’amour. Duroy est aussi un séducteur invétéré qui voit dans les femmes qu’il croise une occasion de plaisir. Chacune de ses maîtresses successives lui en a apporté et ce n’est pas son second mariage qui calmera ses ardeurs amoureuses puisque le texte nous laisse à penser qu’il se retrouvera bientôt dans le lit de Mme de Marvelle, son ancienne amante.

 

C’est la nouvelle qui a rendu Maupassant célèbre mais, même s’il ne fut pas le seul durant sa carrière d’écrivain, voici ce roman qui, encore aujourd’hui, contribue à sa notoriété. Il est l’évocation de l’ambiance bourgeoise et parisienne de la III° république, à travers des personnages dont les noms ont évidemment été modifiés, à la fois dans son aspect vaudeville mais aussi affairiste, spéculatif et scandaleux, vue à travers le personnage de Bel-Ami. Lui, c’est un intrigant, un Don Juan sans grands scrupules, dont les femmes sont folles et qui, grâce à elles, connaît une réussite insolente et son second mariage, forcément mondain, est béni par l’évêque, ce qui est une sorte de consécration. L’une de ses maîtresses voit même dans un tableau représentant le Christ, une ressemblance avec lui. Pourtant, lui qui n’a pas hésité à cocufier ses amis se met dans la situation potentielle du mari trompé en épousant une femme plus jeune que lui, les serments amoureux n’ayant pas dans ce contexte une pérennité bien grande et sa capacité de séduction non plus. Et la comédie recommencera ! Pire peut-être, ayant divorcé de Madeleine qui lui écrivait les articles qui ont fait sa renommée, il redeviendra sans elle le modeste journaliste sans talent qu’il était. On peut même imaginer que cette dernière, qui vit avec un homme plus jeune, épaulera celui-ci qui finira par détrôner Duroy. Situation fragile donc un peu comme la période qui précéda son duel où il sentit passer sur lui l’ombre de la mort. Bel-Ami doit sa réussite aux femmes mais, par voie de conséquence, sans elles il n’est plus rien et c’est sans doute ce qui l’attend.

 

J’ai retrouvé, toujours avec le même plaisir le style de Maupassant, si proche de celui de Flaubert, ses descriptions à la fois poétiques et évocatrices mais aussi ses analyses psychologiques de l’âme, subtiles et profondément humaines où les envies, les intérêts, se mêlent aux sentiments, explorant subtilement les relations amoureuses entre hommes et femmes. Maupassant qui se révèle un observateur attentif de l’espèce humaine mais aussi du monde politique, a des formules mordantes qui ont la caractéristique d’être nourries d’un d’antiparlementarisme très actuel notamment contres les politiciens et leur combines, Tout cela donne une phrase concise, ironique, incisive parfois mais surtout sobre, intelligible, un vrai plaisir retrouvé de mes lointaines lectures de potache.

 

 

 
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