Ceux d'à côté
- Par hervegautier
- Le 12/04/2023
- Dans Laurent Mauvignier
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N°1733 – Avril 2023
Ceux d’à côté – Laurent Mauvignier – Les éditions de Minuit.
Tout d’abord il y a deux femmes qui alternativement prennent la parole sous forme de monologue, Catherine et Claire qui sont voisines de palier et amies. Catherine prépare un concours de chant et assure la surveillance d’une cantine scolaire, c’est à dire qu’il ne lui arrive rien, qu’elle n’attend plus rien de sa vie et s’y ennuie. Elle sait qu’elle ne sera jamais une grande chanteuse mais elle trompe sa tristesse en attirant des hommes chez elle pour une étreinte rapide et sans lendemain. Claire au contraire a un homme dans la sienne, Sylvain, mais elle est violée par un inconnu dans son appartement et même si dans ce vieil immeuble on perçoit chaque bruit venu de l’appartement voisin, Catherine, un casque sur les oreilles et qui s’exerçait au chant, n’a rien entendu. Elle culpabilise pour cela autant que pour le silence qui a suivi le départ de son amie, hospitalisée et qui laisse son appartement désormais vide.
Claire parle à Catherine qui se rend compte que les mots de son amie, censés la soulager, sont pour elle une sorte de nourriture dont elle se repaît puisque ce récit vient combler le vide de son existence. Elle en conçoit une honte intérieure mais aussi une sorte de jalousie et même l’espoir que quelque chose de semblable lui arrive enfin à elle. Après tout l’auteur de ce crime n’a pas été arrêté et peut parfaitement revenir et elle imagine même qu’elle le croise sans ressentir aucune crainte. La perspective de son concours ne suffit même plus à la motiver et c’est l’ennui qui baigne maintenant toute sa vie. Ce sont donc deux solitudes qui se font face.
L’auteur y ajoute une troisième, celle du violeur qui confie, lui aussi sous forme de monologue, son mal de vivre, sa difficulté de parler aux autres, de se regarder lui-même dans une glace à cause des pulsions sexuelles qu’il ne peut refréner, même par la marche, de se supporter lui-même et d’avoir détruit cette femme. Il est bourrelé de remords, repense à elle constamment, veut même la revoir pour vérifier qu’elle est encore en vie et songe à sa propre mort comme à une délivrance. Pourtant c’est vers Catherine qu’il se sent attiré...
C’est un roman sur la solitude, sur le vide. Nous vivons dans un siècle de la communication, des brassages de populations où plus qu’avant, des rencontres parfois improbables sont possibles. Et pourtant l’ isolement s’impose de plus en plus, un peu comme un constant contraire à cette apparente réalité, à l’image de l’être humain qui est lui-même un paradoxe entre volonté et impossibilité.
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