la feuille volante

Les graines du figuier sauvage

N°1933– Septembre 2024.

 

Les graines du figuier sauvage – Un film de Mohammad Rasoulof.

Prix spécial du jury Cannes 2024.

 

Téhéran, de nos jours.

Iman, marié et père de deux filles, Rezvan et Sana, étudiantes, vient d’être nommé juge. Il est originaire d’un petit village perdu dans les montagnes et a intégré les instances du régime grâce à sa foi religieuse mais aussi sans doute grâce au zèle qu’il met à le servir. Il a élevé ses enfants dans l’observance de la loi coranique qui prône notamment l’effacement de la femme et la prière. Il est partagé entre le respect des préceptes de la foi et la lutte contre les manifestations de plus en plus nombreuses contre le port du voile qui risquent de faire basculer le pouvoir dont il est un rouage. Ses nouvelles fonctions lui assurent une certaine aisance mais l’expose. Les manifestations incessantes de la rue le perturbent et les condamnations à mort qu’il doit signer le bouleversent.

 

Son ascension sociale est soutenue par son épouse Najmeh mais ses deux filles, pourtant élevées dans les règles de l’islam, se retrouvent au milieu du mouvement contestataire qu’elles soutiennent. La perte inexpliquée de son arme de service signifie pour lui la déchéance et la prison et, avant d’en faire la déclaration officielle, la paranoïa s’installe et il accuse sans preuve les membres de sa propre famille de lui mentir.

 

Ce film est entrecoupé de nombreuses séquences diffusées sur les réseaux sociaux attestant la contestation des femmes et notamment la mort de Jina Mahsa Amini, assassinée dans un commissariat de police pour port incorrect du voile. Ces déviances d'une théocratie qui s'apparente à une dictature religieuse nous sont connues aujourd'hui mais dans quelques dizaines d'années, quand ce régime aura disparu (si cela est possible), l'oubli qui fait tellement partie de la condition humaine aura fait son œuvre  et de tels témoignages attesteront de cette réalité historique. 

 

Puis le film se concentre sur l’ambiance familiale devenue délétère depuis la perte de l’arme d’Iman et si Rezvan, l’aînée, milite pour un changement radical de la loi et d’une plus grande liberté pour les femmes, Sana, la cadette, souhaite davantage porter les cheveux bleus et du vernis à ongles. Cela va bien au-delà de l’opposition traditionnelle parents-enfants à l’adolescence. Le père, aimant et attentif qu’ était Iman, devient pour les siens, à la fois au nom de la religion, de la défense du régime des ayatollahs, et peut-être aussi pour lui qui est parti de rien, de sa carrière, un bourreau domestique.  A l'occasion d'un retour dans son village, de la dégradation de l'ambiance et d'accusations portées contre lui, son épouse traditionnellement  soumise, prend la défense de ses filles et c'est un peu comme si ces événements politiques tragiques du pays étaient transposés dans cette famille, le père devenant l'oppresseur face à ses femmes qui se révoltent. Le spectateur occidental prend très vite fait et cause pour elles et l’épilogue, malgré quelques longueurs, est parfaitement prévisible.

 

Ce film, tourné en partie dans la clandestinité, rend compte de la société iranienne actuelle et nous fait prendre conscience de la chance que nous avons de vivre dans un pays libre, démocratique et laïc et de  la vigilance qui doit être la nôtre face à la menace d’un basculement toujours possible.

 

En tout cas un film bouleversant.

 

 

 

 
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