Les disparus du phare
- Par hervegautier
- Le 23/07/2018
- Dans Peter May
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La Feuille Volante n° 1265
Les disparus du phare – Peter May – Rouergue Noir.
Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue.
Le paysage, celui du nord de l’Écosse, l’île de Lewis, un homme, Neal MacLean se retrouve sur la côte, apparemment victime d'un naufrage, vivant mais complètement amnésique ; Il ne se souvient vraiment de rien, ni qu'il est en train d'écrire un livre, ni de son adresse, ni du nom de son chien, ni même de celui de sa maîtresse (en revanche elle se souvient bien de lui, grâce à la naïveté ou à la complicité de son mari.) Pourtant, même si elle revient vers lui et l'aide de remonter dans ses souvenirs, cela entame quelque peu la confiance qu'elle a en lui et, se demande s'il ne simule pas.
Était-ce pour retrouver cette mémoire de lui-même qui lui fait gravement défaut, il reprend la mer pour les îles Flannan, cet archipel perdu en mer au large de Lewis qui fut le décor d'un mystérieux événement en décembre 1900 pendant lequel les trois gardiens du phare disparurent sans laisser de trace. Cet épisode est tellement étrange qu'il est devenu une légende. Neal est-il cet écrivain universitaire en congé sabbatique, installé ici depuis dix-huit mois, qui écrit un livre sur ce thème ? Le plus étonnant est qu'il n'a retrouvé aucune note sur ce travail, plus bizarre encore est que, de retour sur ces îles, il découvre le cadavre d'un homme assassiné qui porte sur les mains, il le saura ensuite, les mêmes traces de piqûres d'abeilles que lui , et que, à cause de sa perte totale de mémoire, il pense être l'auteur de ce crime. Les investigations policières vont d'ailleurs en ce sens. De plus il refait son propre parcours pour retrouver qui il est vraiment mais apparemment sans succès. Une enquête criminelle est donc ouverte mais Neal a autant de difficultés à explorer sa mémoire que les enquêteurs à apporter la preuve de sa culpabilité dans ce meurtre. Autour de lui, et sans qu'il le sache obligatoirement, se multiplient les rebondissements, les enlèvements et les morts. En contrepoint il y a toujours cet homme, une sorte de marginal, qui l'observe de loin à la jumelle et qui semble espionner tout le monde.
C'est un cheminement classique qu'emploie ici l'auteur, faisant refaire à l'envers un hypothétique chemin au personnage principal ayant perdu la mémoire. C'est un travail intéressant sur le processus de la réminiscence auquel il mêle à l'envi l'atmosphère du roman policier en maintenant le suspens jusqu'à la fin, dans un décor tourmenté. Le roman prend une sorte de deuxième souffle avec l'entrée en scène de Karen, la fille en pleine crise d'adolescence d'un chercheur, Mickael Fleming dont les travaux portaient sur les ravages des pesticides sur les abeilles. Il se serait suicidé deux ans auparavant, mais plus sa fille en apprend sur ce père absent, plus elle pense qu'en réalité il n'est pas mort et s'attache à le retrouver, ce qui s'avère être une entreprise risquée. L'inspecteur de police Gunn fait ce qu'il peut pour dérouler la pelote un peu compliquée de cette affaire. L'auteur y ajoute, à travers l'évocation des abeilles, de leur rôle dans la survie des hommes, une dimension actuelle tournée vers l'écologie.
J'ai apprécié en tout cas les descriptions poétiques de l'auteur qui parvient toujours à conférer une certaine beauté à un paysage désolé. Je ne suis pas sûr en revanche que les développements sur le rôle des abeilles dans la nature, certes essentiel et incontestable, et l'implication financière qu'implique le maintient des pesticides, apportent quelque chose de nouveau dans le cadre de ce roman. J'ai trouvé l'intrigue un peu artificielle, un peu trop axée autour de ce thème.
Depuis « l'homme de Lewis » (Histoire d'un vieillard atteint de la maladie d'Alzheimer) Peter May semble avoir une prédilection pour les esprits marqués par la vie, autant qu'il renoue avec les paysages traditionnels de son Écosse natale. Il remet en scène l'inspecteur Gunn pour une nouvelle plongée dans le passé et, comme toujours, j'ai, à nouveau apprécié le style qui a malgré tout transformé cette lecture en un bon moment .
© Hervé Gautier – Juillet 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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