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la feuille volante

Un soir d'été

N°1871– Avril 2024.

 

Un soir d’été – Philippe Besson – Julliard.

 

J’ai toujours lu Philippe Besson avec plaisir tout en constatant que je n’avais rien de commun avec lui puisque notamment nous n’avons pas le même âge. Cette fois encore j’ai apprécié son style fluide et agréable à lire, j’ai eu, en plus, plaisir a retrouver l’île de Ré qui a fait partie de ma jeunesse même s’il fallait souvent attendre le bac pendant des heures sous le soleil et surtout ne pas manquer le dernier, sauf à passer la nuit à Sablanceaux où les hôtels manquaient et même si on était romantique, la traversée n’avait rien d’une croisière. Besson revoit les uniformes blancs des marins qui assuraient le passage, moi j’ai plutôt souvenir de lamaneurs en bleu de chauffe ! Pour les îliens, je faisais partie de ceux « du continent » qui venaient ici pour les paysages sauvages qui n’existent plus ; la salicorne ne se vendait pas et le sel servait aussi à dégeler les routes l’hiver. Il n’y avait pas encore de surfeurs, les vacanciers préféraient les tentes aux résidences secondaires qui n’étaient parfois qu’un aménagement sommaire de blockhaus de l’ancien « mur de l’Atlantique », les bateaux du port, aux couleurs d’aquarelle étaient ceux des pêcheurs et la cheminée de l’épave du « Champlain » veillait au large. Aussi loin que ma mémoire remonte, les ânes étaient en culottes et les femmes en kichenotte, quant aux roses trémières,elles n’avaient pas encore envahi les ruelles. Elle n’était pas encore une « presqu’île » où se ruent aujourd’hui les estivants, il n’y avait pas de « boite de nuit », on n’y faisait pas encore de vélo mais c’était le but estival de bien des jeunes et de leurs premiers émois amoureux. Chaque adolescence est unique avec ses joies éphémères, ses illusions, ses craintes pour l’avenir et les vacances c’était le plaisir d’être avec ses copains, sur la plage, le bronzage, le sel sur la peau, les cigarettes qui faisaient tousser, la fascination pour le corps des filles et les tentatives maladroites d’attirer leur attention. Pour le jeune Philippe et son homosexualité c’était un peu différent et l’attirance qu’il avait pour les garçons était parfois déçue par leurs choix personnels et ses baisers étaient éphémères comme un amour d’été.. Parfois pourtant une rencontre se concluait par une étreinte rapide et sans aucune suite. Bref ils étaient cinq garçon et une fille en vacances sur l’île en cet été 1985, glandeurs et désinvoltes, chacun avec son parcours et ses projets mais désireux de profiter du moment présent. Quand l’un d’eux disparaît, c’est le drame, avec questionnement, recherches et culpabilité, prise de conscience de la réalités des choses de la vie, l’espoir de le retrouver qui active l’imagination et surtout l’impensable idée de la mort qui vous fait, d’un seul coup, quitter l’insouciance.

C’est avec ce genre d’événement qu’on mûrit, qu’on devient plus vite adulte, qu’on apprend à admettre les choses dans leur simplicité autant que dans leur complexité,, qu’on prend conscience que la mort existe, qu’on ne reverra plus celui qui vient de nous quitter, que cela fait simplement partie de notre condition humaine..Je ressens à titre personnel ce roman comme une réflexion sur l’absence, un échec à cet oubli, qui caractérise tant la nature humaine, comme un acte de mémoire que Philippe Besson fait pour son ami. Il portait probablement en lui cette période de sa vie comme une plaie non cicatrisée que l’écrivain qu’il est ne pouvait panser qu’avec des mots. C’est sans doute dérisoire mais, même si je ne crois guère à l’exorcisme de l’écriture, une telle démarche a, d’une certaine manière, dû libérer son auteur. Un beau roman en tout cas.

 
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