SACRIFICES
- Par hervegautier
- Le 26/07/2014
- Dans Pierre Lemaître
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N°768 – Juillet 2014.
SACRIFICES – Pierre Lemaitre - Albin Michel.
Rien ne prédisposait Anne Forestier, en ce matin tranquille dans une galerie marchande des Champs-Élysées, à être témoin du braquage d'une bijouterie et, devenue gênante, à être sauvagement agressée et laissée pour morte par deux petits truands. C'est, comme on dit, se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Non seulement les braqueurs massacrent Anne à coups de crosse mais ils tirent sur elle et poursuivre leurs casses ailleurs. Malgré leur côté spectaculaire, ses blessures sont moins graves qu'il n'y paraît et elle est une femme de caractère et surtout volontaire ; elle survivra ! Elle a vu le visage de ses agresseurs et à ce titre doit être éliminée, c'est pourquoi l'un d'eux la poursuit jusqu'à l’hôpital. Il y est même venu avec un fusil à canon scié pour l'exécuter mais en vain !
Elle est aussi la compagne de Camille Verhoeven, commandant de police à la Criminelle qui se fait attribuer l'enquête en faisant un peu le forcing face à une hiérarchie qu'il prise peu, qu'il mystifie en permanence, une justice dont il semble se moquer et un code de procédures pénales dont il semble avoir oublié jusqu'à l'existence. C'est un véritable électron libre qui agit pour son propre compte, malgré la bienveillance du juge et l'amitié du contrôleur général, dans la plus parfaite illégalité au risque d'un dessaisissement, d'une enquête de l'IGS, d'une inculpation personnelle et d'une exclusion, comme les flics qui glissent sur la mauvaise pente. Il fait de cette enquête une affaire personnelle, à moins que ce ne soit le contraire, surtout depuis l'assassinat d'Irène, sa première femme. Anne est réellement en danger puisque celui qui l'a passée à tabac, Vincent Hafner, est un truand chevronné qui reste introuvable. Le commandant va donc mettre les moyens qui, pour lui, sont nécessairement entachés de marginalité voire d'illégalité. Pourtant l'enquête piétine et les ennuis pleuvent sur lui mais l'urgence est de protéger Anne à tout prix, même à celui de la rencontre avec les caïds du milieu et même l'assassin de sa propre épouse. Camille est un artiste, un délicat dessinateur qui, malgré son talent ne connaîtra jamais la notoriété, c'est un amoureux des chats et un être secret et c'est sans doute ce qui l'a rapproché d'Anne dont finalement il ne sait rien. Mais bizarrement plus il investigue, plus cette dernière devient un mystère pour lui, un véritable fantôme qui lui pose de nombreuses interrogations, de multiples états d'âme et il en vient à douter des apparences mêmes. Et pourtant il tient à elle.
C'est un thriller avec l’écriture, l’ambiance et les personnages qui conviennent à ce genre. Pendant ces trois jours, le découpage horaire, les actions haletantes, les mystérieux arcanes autant que les rebondissements entretiennent un suspense de bon aloi. J'en profite pour préciser qu'à mon avis le roman policier n'est pas seulement dédié à l'été ou associé au farniente au soleil ou à la plage. Par rapport à la littérature générale dont elle est une facette, la littérature policière à son originalité, ses auteurs talentueux et ceux qui le sont moins. Jusqu'à ce qu'il obtienne le Prix Goncourt pour « Au revoir là-haut », je ne connaissais pas Pierre Lemaitre (La Feuille Volante n°734). Il explore ici un genre différent qui m'a bien plu et je pense que je vais poursuivre la découverte de cette partie de son œuvre*.
* Ce roman est le dernier de la trilogie Verhoeven.
©Hervé GAUTIER – Juillet 2014 - http://hervegautier.e-monsite.com
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