La Feuille Volante a 45 ans
- Par ervian
- Le 22/07/2025
- Dans Réflexions
- 0 commentaire
N°1993 – Juillet 2025.
La feuille volante a 45 ans.
Le simple fait d’écrire ce titre me donne le vertige, d’autant que je ne suis même pas sûr de la date de création, officiellement 1980 , les premiers articles rédigés par mes soins, sur une idée de mon ami le regretté Marjan (1918-1998), n’étaient ni datés ni numérotés. Je ne faisais ainsi que répondre à ses sollicitations puisque, poète humoriste mais aussi animateur de nombreuses revues de poésie, il recevait des recueils qu’il n’avait pas temps de lire. J’ai donc été chargé par lui de tenir cette rubrique. A l’origine, ce qui est devenu une chronique, était tapée et photocopiée sur une feuille volante, d’où son nom, et jointe dans le courrier de Marjan mais sa diffusion était ridiculement modeste. Le dessinateur « Arfoll » (1927-2006) m’a fait l’amitié de l’illustrer à sa manière, accompagnant spontanément cette aventure. A l’origine elle était destinée à parler de ceux dont on ne parle jamais, les poètes, et cela a duré quelques années, puis, passionné de lecture, j’ai commencé à y intégrer mes notes sur les romans, nouvelles, essais que je lisais, c’est à dire à rédiger ce que mes nombreux professeurs de français avaient souhaité me voir effectuer, mais en vain, pendant ma lointaine scolarité. Ce n’est que lorsque internet a été popularisé que cette chronique est devenue « blog » et que je me suis laissé porté par ce tourbillon médiatique. Sa présentation volontairement spartiate est un choix personnel, d’autant que j’ignore toutes les possibilités que cette nouvelle technique permet. L’âge venant et avec lui l’effritement de ma mémoire, cette chronique m’a au moins servi, à titre personnel, à collationner et à me souvenir de mes remarques sur les livres que j’ai lus et plus récemment à propos des films que j’ai vus puisque, depuis peu, je me suis essayé à la chronique cinéma.
Cette publication est depuis le début gratuite et le restera jusqu’à la fin, tout comme elle n’a jamais eu et n’aura jamais aucun abonné. Elle n’est pas exempte d’imperfections que ceux qui me font l’honneur de me lire me pardonneront je l’espère puisque je ne suis qu’un modeste amateur, solitaire de surcroît. J’ai beau me relire plusieurs fois avant chaque publication, des erreurs subsistent néanmoins que je ne vois pas. C’est sans doute à cette solitude je dois cette relative longévité puisque la durée moyenne de vie de ce genre de bulletin est limitée dans le temps et que je m’entends encore assez bien avec moi-même !
Que ressort-il de cette longue période de curiosité personnelle, d’activité secrète, de cette expérience que je n’ai jamais voulu appeler ni critique ni littéraire ? En fait pas grand-chose. Peu de réactions donc, mais ça n’a jamais été le but, ce qui me fait dire que l’audience est restée très confidentielle puisque j’ai choisi de ne faire ni dans la controverse systématique ni dans le scandale. Je ne mets pas non plus en avant un taux élevé de fréquentation des lecteurs, puisque, selon moi, il doit beaucoup au hasard, à des erreurs de recherches et aux liens hypertextes. De plus, je n’ai eu que peu d’échanges avec les auteurs, et quand ces derniers, au début de leur carrière, m’ont fait l’honneur d’un échange épistolaire, ils en ont tous perdu l’habitude quand la célébrité a donné un élan à leur carrière. Je n’ai par ailleurs jamais souhaité me targuer d’une correspondance avec des gens de lettres prestigieux. Il s’agit seulement d’un enrichissement intime de ma culture personnelle, la satisfaction du désir de lire c’est à dire d’apprendre, de me cultiver et de maintenir en éveil mes facultés intellectuelles mais surtout le grand plaisir toujours intact, même s’il est parfois laborieux, que j’ai à écrire, à mettre des mots sur une impression ou un sentiment de simple lecteur, évidemment sans aucune dimension polémique puisque je respecte le travail de l’auteur. Je ne perds pas de vue non plus qu’on ne me demande rien !
L’Ecclésiaste nous enseigne qu’il y a un temps pour parler et un temps pour se taire. Avec cette revue,j’ai largement utilisé le premier pour maintenant respecter le second. Tout cela va donc progressivement se terminer comme cela a commencé, c’est à dire dans l’indifférence et l’anonymat. Je n’ai jamais recherché le vedettariat ni la lumière, ni quoique ce soit de nature à me singulariser, à me mettre en avant puisque l’ombre me va très bien. Je garderai, je l’espère, cet attachement à la lecture et à l’écriture qui sont aussi des addictions d’anachorète en me demandant pourquoi j’ai participé si longtemps à cette agitation médiatique existentielle, autant dérisoire qu’inutile. Par vanité sans doute, avec peut-être l’espoir secret de me distinguer avec une autre forme d’écriture, dédiée celle-là à la création et qui se déclinait pour moi en poèmes, nouvelles et romans variés, mais là aussi tout cela est resté lettre morte et toutes ces feuilles noircies d’encre se recouvrent maintenant de poussière dans mes tiroirs ou s’entassent sur le disque dur de mon ordinateur puisque la recherche de l’éditeur s’est révélée globalement vaine et que l’édition à compte d’auteur, quelque forme qu’elle prenne, est un leurre quand cela n’est pas parfois une arnaque. La raison en est peut-être le peu de soutien de mon entourage, la malchance que je traîne avec moi depuis si longtemps, le destin qui m’a toujours été contraire, les illusions que j’ai tressées et entretenues, le manque de talent aussi. J’ai simplement essayé, en vain certes, et tant pis si les évènements ne m’ont pas servi, toutes ces tentatives avortées ont rejoint la liste déjà longue de mes échecs.
Dès lors il est devenu illusoire d’opposer la moindre résistance à ce sens des choses et nécessaire de se laisser glisser vers la pente naturelle.
Ajouter un commentaire