Illusions dangereuses
- Par hervegautier
- Le 06/05/2018
- Dans Vitaly Malkin
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La Feuille Volante n° 1242
ILLUSIONS DANGEREUSES – Vitaly Malkin - Éditions Hermann.(Traduit et adapté du russe.)
Le récent Salon du Livre de Paris a accueilli l'écrivain russe Vitaly Malkin et son dernier ouvrage. J'ai personnellement toujours eu des interrogations sur la religion et dans nos sociétés, parler de ce sujet a toujours été tabou, d'autant plus que, la religion, qui a plus ou moins fait partie de notre éducation, n'a pas manqué de faire naître en nous illusions et fantasmes. Le livre de Vitaly Malkin, aimablement envoyé par Babelio et les éditions Hermann, ce dont je les remercie, ne pouvait donc pas me laisser indifférent, son sous-titre étant « Quand les religions nous privent du bonheur », la recherche de celui-ci étant une aspiration légitime de l'homme lors de son passage sur terre. Prendre pour thème la religion qui, en France en tout cas, semble être boudée par les citoyens, est une gageure face à la phrase attribuée à Malraux « Le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas ») et à la montée des fondamentalismes. C'est un ouvrage qui est d'abord un beau livre dans sa présentation, mais aussi un document important pas seulement par le nombre de ses pages (447) mais surtout par les arguments développés, la richesse de ses illustrations, l'érudition des citations choisies et le style simple et accessible avec lequel il est rédigé. L'auteur le présente comme un livre de combat, un pamphlet politiquement incorrect qui s'inscrit dans le droit fil des « Lumières » où les auteurs du XVIII° siècle n'ont pas hésité à remettre en question la religion et le pouvoir et l'influence de l’Église catholique. Il le veut un acte guerrier contre les pratiques inspirées par le monothéisme qui n'ont pour objet que de manipuler et asservir les fidèles pour mieux les dominer au moyen de rituels et d'interdits religieux. Ici l'auteur choisit de réfléchir dans le détail opposant les religions polythéistes de l'Antiquité, le bouddhisme, aux trois grands cultes monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l'islam et jette sur chacun d'eux un œil critique formulant un avis personnel avec parfois une pointe d'humour. Pour faire bonne mesure, il étend même sa démonstration aux régimes totalitaires en mettant en perspective leurs méthodes.
Face à la croyance religieuse, à la foi, qui implique une adhésion aveugle et sans aucune preuve à des vérités souvent illogiques et même absurdes qui amènent les fidèles à vivre dans une complète illusion, l'auteur oppose la raison. Il note que le monothéisme de ces trois religions du Livre, présenté comme un progrès dans le domaine spirituel, contribue au contraire à l'appauvrissement de la raison et de la liberté de pensée, qui promet certes le bonheur, mais dans l'au-delà seulement, et conseille aux croyants pendant leur séjour sur terre l'observation stricte de règles censées leur garantir une place dans le Paradis, la soumission entière aux dogmes et la piété face aux manifestations surnaturelles qui ne peuvent émaner que de Dieu qui préside à la marche du monde, ce qui n'est pas sans engendrer des « Chimères ». Dans ces conditions on peut douter légitimement de l'amour de Dieu, si hautement proclamé, d'autant que les exemples ne manquent pas où la divinité s'est complètement désintéressée de cette humanité pourtant chérie et on ne peut pas ne pas constater que, contrairement à ce qui nous est répété à l'envi, les religions monothéistes sont plus tournées vers la mort que vers la vie. La tolérance est bien entendu sacrifiée et avec elle la raison ce qui n'est pas sans enfanter des violences et des conflits qui ont émaillé l'histoire du monde. L'auteur remet en cause les dogmes du catholicisme, y substitue une lecture plus logique et humaine que celle de l’Église, les analyse à travers l'histoire de l'humanité, en explique les dérives, les absurdités et les contradictions, dénonce nombre d'idées considérées comme immuables, voire utopiques et qui faisaient sans doute jusqu'à il y a peu la solidité de nos sociétés traditionnelles, en France notamment où les églises étaient pleines, la hiérarchie religieuse respectée et le message évangélique basé sur l'amour et la crainte de Dieu, observé. Face à cela l'auteur invite son lecteur au culte du plaisir, conteste l'ascétisme et l’abstinence sexuelle, la souffrance volontaire qui a longtemps été l'apanage du christianisme, le concept de sainteté, les symboles du Mal, refuse la virginité de Marie, tente une explication à propos de l'expulsion de l'homme du jardin d’Éden, prône l'épicurisme et le plaisir charnel, dénonce le principe selon lequel l’Église ordonne l'abstinence et condamne le sexe uniquement destiné à la procréations, étudie l'approche de la sexualité et la place de la femme dans ces trois croyances, évalue l'impact des religions sur notre vie, déplore l'instinct grégaire des fidèles si prisé par les religions, se désole du célibat des prêtes catholiques et encore plus de leur pédophilie et du silence qui l'entoure ...
On peut ne pas partager toutes les analyses faites par cet auteur, il faut cependant admettre qu'elles sont érudites et pertinentes et qu'elles ont le mérite de s'inscrire en faux face aux idées ancrées en nous depuis des siècles. A titre personnel, j'avoue avoir apprécié cette lecture.
© Hervé GAUTIER – Avril 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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