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la feuille volante

Anne-Marie la beauté

N°1910– Juillet 2024.

Anne-Marie la beauté – Yasmina Reza – Flammarion.

C’est un long monologue avec des phrases décousues, sans suite, l’une évoquant l’autre avec même des détails inutiles, pleines de nostalgie, de remords et d’amertume que tient Anne-Marie, cette ancienne actrice de théâtre qui n’a jamais réussi dans son art que pourtant elle aimait. Toujours des petits rôles dans l’ombre des « têtes d’affiche » pleins de suffisance et d’orgueil. Elle a beau se remémorer son parcours, ses rôles sur les planches, elle est toujours restée en retrait, loin de la lumière des projecteurs. Même son mariage ne lui a pas apporté le bonheur si ardemment voulu et l’épanouissement personnel qu’elle souhaitait légitimement pour elle est resté lettre morte. Son enfance banale, sa famille qui n’a pas cru en elle, les hommes qu’elle a aimés lui ont laissé un souvenir douloureux. Le rêve lentement tissé lui a échappé malgré elle, malgré sa fascination pour la Capitale, malgré l’aura de ceux qui ont réussi et qu’elle a croisés. Elle n’a simplement pas été chanceuse !

Sa fin de vie est triste mais celle des autres qu’elle a croisés et qui un temps ont connu le succès éphémère n’est pas moins vouée à la solitude, à l’abandon parce ce milieu est sans pitié et amnésique. Il n’y a pas de quoi l’apaiser même si leur sort n’est pas meilleur que le sien. Au moins eux ont connu le succès et peuvent peut-être s’en satisfaire. Celle qui n’a été qu’une femme banale et sans grande beauté dresse ce bilan désespéré plein de nostalgie de sa vie. Yasmina Reza a dû, dans son métier, connaître ce genre de destin manqué et que la mort a emporté. Elle en rend compte dans ce qui n’est sûrement pas une fiction mais bien plutôt un témoignage et je me suis dit que cela est aisément transposable à de nombre d’entre nous, Nous avons tous les rêves avortés, des tentatives non couronnées de succès et qui parfois sont gênées par d’autres, désireux de vous éliminer pour prendre votre place. Nous sommes tous mortels et l’espèce humaine est aussi oublieuse après la mort d’un être qu’elle a été cruelle et hypocrite de son vivant. J’aime qu’un auteur s’empare de ce sujet au relent d’échec parce que cela fait simplement partie de la vie et qu’on juge trop souvent la valeur de quelqu’un sur ses seuls succès.

 
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