la feuille volante

Heureux les heureux

N°1913 – Juillet 2024.

 

Heureux les heureux– Yasmina Reza – Flammarion.

C’est une suite de nouvelles dont le titre est emprunté à une citation de Borges. L’auteure met en scène 18 personnages qui ont en commun des liens familiaux, amicaux ou extra-conjugaux. Ce sont des gens ordinaires dans leur vie quotidienne et Yasmina Reza choisit, entre humour et causticité, de parler de leurs angoisses, de leurs obsessions, de leurs fantasmes, de leurs phobies , de leurs mystères, de leurs erreurs, de leur solitude. Le titre en forme de « béatitudes » évangélistes sonne pour moi autant comme une quête légitime du bonheur que comme un paradoxe puisque, parmi tous ces hommes et ces femmes je n’en ai pas vu beaucoup qui sont heureux, entre les couples qui se supportent et qui se déchirent et pour qui l’amour n’est plus qu’un vieux souvenir, ceux qui ont recours à un psychiatre, ceux qui vivent dans un monde parallèle, ceux qui préfèrent chercher ailleurs ce qu’ils ont peut-être chez eux, ceux qui sont tellement transparents qu’ils s’imaginent être le centre du monde... Le livre refermé, il m’apparaît que le bonheur est une chose qu’on poursuit et qui se révèle impossible à atteindre parce que notre parcours ici-bas est semés d’embûches, d’obligations, d’illusions sur un avenir incertain et surtout fantasmé. Après les certitudes qu’on se tisse soi-même pour l’avenir viennent les prises de conscience de nos contradictions, de nos fourvoiements que nous avons longtemps entretenus, parfois inconsciemment, , de nos exaltations d’un instant, de nos passades, de nos hypocrisies, de nos fuites, de nos erreurs, de notre bonne conscience, de notre fatalisme face aux échecs. Ce sont autant de morceaux de vie qu’on pourrait imaginer fictifs puisqu’ils s’inscrivent dans un roman par essence imaginaire, mais qui ont quelque chose de familier, qui ressemblent étonnamment à notre parcours à tous, dans le travail, la famille, le couple… Au bout du compte il y a le temps qui passe, inexorable avec la vieillesse, la laideur, les douleurs , l’abandon, les souvenirs et la mort parce que c’est notre condition. ... La mort est un thème récurrent chez Yasmina Reza et ce recueil ne fait pas exception avec ces nombreuses allusions aux cercueils, aux pierres tombales, à l’incinération, à la dispersion des cendres. La vraie vie quoi !. Le style est brut, haché, sans fioritures littéraires.

 
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