Les enfants d'Ulysse
- Par hervegautier
- Le 06/12/2021
- Dans Carole Declerecq
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N°1614- Décembre 2021
Les enfants d’Ulysse – Carole Declerecq – Éditions La Trace.
Le titre évoque le voyage, mais un voyage plein de dangers. Effectivement Feriel, la sœur et Hamsa, le frère, des migrants originaires d’Afghanistan, cherchent à rejoindre Toraj, leur frère aîné installé en Autriche, malgré les autorités des pays traversés et les aléas du voyage. Ils sont pauvres et ont décidé de poursuivre seuls leur périple après le démantèlement du camp où il survivaient. Les barrières qui se dressent devant eux ne manquent pas mais ils continuent avec pour seul espoir l’Europe. Leurs pérégrinations les amènent en Grèce, dans un village inconnu, près de la maisonnette d’Elliniki, une vieille qui passe pour une sorcière jeteuse de sorts et qui survit comme elle peut avec ses chats, ses souvenirs et la vente de ses excellents gâteaux. Elle est fille de réfugiés, a, elle aussi, connu les affres de la guerre, les morts qui l’ont entourée et ce sont ses petites pâtisseries qui vont provoquer leur rencontre. Elle sera leur bonne fée dans un pays qui refuse les migrants et que l’Europe abandonne à son sort et mettra dans la confidence le jeune Milios, l’épicier-bistrot du village voisin qui vend ses gâteaux. Elle ne peut évidemment pas les garder, mais c’est grâce à elle qu’ ils rejoindront l’Autriche par l’Italie !
L’histoire de ces deux enfants migrants, avec toute l’horreur et l’intolérance qui s’attachent à cette situation a retenu mon attention mais je dois dire que j’ai été sensible au parcours d’Elliniki et à son attitude. C’est une vieille dame solitaire, elle aussi est un peu une « enfant d’Ulysse » qui a traversé la vie en en connaissant tout ce qu’elle pouvait lui apporter de mauvais. Elle s’est retirée du monde, est devenue misanthrope, au point d’habiter hors de ce bourg, c’est à dire loin de la communauté humaine. Elle aurait pu attendre la mort seule, parce qu’on est toujours seul face à la Camarde, sans se préoccuper des autres… Le hasard lui a fait rencontrer ces deux pauvres enfants traqués et affamés et elle aurait pu rejoindre l’indifférence voire la haine, elle aurait pu laisser faire les choses qui les aurait précipités dans l’errance voire dans la mort. Au contraire, elle prend prétexte de cette rencontre pour, une dernière fois peut-être et dans la discrétion, faire quelque chose pour cette partie de l’humanité abandonnée et même refoulée par le plus grand nombre, une façon comme une autre de ne pas manquer sa sortie. C’est un acte humanitaire désintéressé qui a transformé sa vie, un peu comme une renaissance.
Cette histoire du sauvetage des enfants, c’est grâce à elle qui bizarrement parle anglais, elle qui ne parle à personne et peut se faire comprendre d’eux. Et d’ailleurs ce roman est, avant tout celui des femmes, Elliniki, évidemment mais aussi Feriel qui malgré son jeune âge organise la vie des deux enfants en fuite, et aussi Irina, la compagne de Milios, qui sait prendre des initiatives et évidemment Korina, sa nièce, la fille de sa sœur Katia qu’elle n’a pas revue depuis soixante sept ans. Elle fera taire, un temps, de vieilles querelles de famille ! Ce rôle confié à des femmes, dans une société gouvernée par des hommes, m’a paru intéressant.
C’est vrai que ce livre bien écrit s’approprie un sujet bien actuel, celui des migrants. Il est également vrai qu’en de telles situations la solidarité humaine se manifeste pour sauver des vies. Je veux bien que nous soyons dans un roman, une fiction, pourtant, je n’ai pas vraiment cru à cette histoire, un peu trop idyllique, à ce « happy end », comme je n’ai pas cru non plus à se rabibochage familial un peu trop convenu après des dizaines d’années de brouille et de vieilles querelles recuites. Tout cela m’a paru un peu trop artificiel et bien loin de la réalité quotidienne où trop de gens meurent dans l’indifférence générale pour leur survie dans un monde qui ne veut pas d’eux.
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