Le Royaume
- Par hervegautier
- Le 02/10/2017
- Dans Emmanuel Carrère
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La Feuille Volante n° 1172
Le Royaume – Emmanuel CARRERE - POL
Nous avons, pour la plupart d'entre nous, été élevés, de près ou de loin dans la religion catholique. L'enfance, parfois l’adolescence ont fait de nous des croyants sincères, à tout le moins réceptifs au message, mais dans l'âge adulte des doutes n'ont pas manqué de s’insinuer en nous, nous transformant en agnostiques ou en athées. J'avais entendu parler de ce livre et je l'ai abordé en me disant que l'auteur allait évoquer ce genre de parcours qui, sur une génération a vidé presque complètement les églises, tari les vocations au point qu'il n'y a plus de curés dans les paroisses et transformé cette vénérable institution qui se voulait un des piliers de notre société en une organisation démissionnaire qui a laissé la place à d'autres religions et à leurs dérives criminelles et qui a fourni des exemples contestables quand certains des membres du clergé étaient condamnés pour pédophilie et que les plus hautes autorités, oublieuses du message de l’Évangile, sombraient dans le crime, le délit et le scandale. Souvent, un bouleversement qui intervient dans notre vie nous rappelle cependant que la religion peut apparaître comme un recours. L'auteur revient ainsi vers la prière, la méditation et la lecture du livre saint et des docteurs de l’Église, nous détaillant son cheminement personnel. C'est assez long et ennuyeux. Il ne pourra s'empêcher, au cours de ce livre de parler de lui, de ses goûts, illustrant ce solipsisme propre aux auteurs. Puis,dans une autre partie, érudite et moins fastidieuse, il refait l'histoire de Luc, l’évangéliste conciliant et celle de Paul, plus intransigeant, prosélyte d'autant plus actif qu'il a commencé sa vie en persécuteur des fidèles du Christ. Emmanuel Carrère se livre à un travail de scrupuleux archiviste mais aussi d’écrivain imaginatif, glosant sur les « Actes des apôtre » du premier et les épîtres du second. et sur l'itinéraire de ces deux disciples dont aucun n'a connu le Christ. II commente leur insatiable témoignage en faveur de ce qui n'était au départ qu'une secte, qu'ils se sont attachés à développer face aux Juifs et aux gentils. Il parle de l'inévitable quiproquo incarné par Jésus,qui se présente comme le Messie dont « le royaume n'est pas de ce monde » et les juifs qui attendaient un libérateur politique. Il présente le Christ comme révolté contre la religion juive mais pas contre l'occupation romaine Il rappelle la polémique jamais vraiment tranchée qui pose le Christ comme condamné par les juifs mais exécuté par la Romains ; elle nourrit encore aujourd'hui l'antisémitisme chez les catholiques. Ce livre est une vaste enquête et les investigations de l'auteur sont judicieuses et illustrées d'exemples contemporains qui les rendre plus humaines, convoque Nietzsche et Sénèque, Montaigne et Dostoïevski et c'est parfois déroutant, mais il le fait, non plus comme un croyant comme au début mais comme un agnostique. Il fait aussi œuvre d'historien, remettant chacun à sa vraie place, et ce nonobstant une légende, souvent autoproclamée qui a porté les intéressés au pinacle. Il ne peut s'empêcher de parler de Jean mais, trop peu à mon goût, de l’apocalypse. J'aurais aimé qu'il abordât l'étude des évangiles apocryphes...
Il n'est reste pas moins que j'ai lu ce livre avec curiosité et passion. A titre personnel, j'ai apprécié que l'auteur regarde cette religion avec les yeux du doute et en dehors de tout dogmatisme. J'ai aimé son style pertinent, ses remarques parfois impertinentes parce que le sujet s'y prête et ne laisse personne indifférent même si, dans les réunions entre humains, la religion comme la politique font partie des thèmes qu'il vaut mieux ne pas aborder si on veut leur garder une dimension apaisante. Pourtant, j'ai été un peu déçu dans le registre de l'agnosticisme. Je m'attendais à autre chose. Je reconnais le travail d'exégète, j’apprécie la remise en cause des vérités qu'on nous demande de recevoir « béatement » et surtout sans les discuter mais j'aurais aimé qu'il aille plus loin dans l'analyse, qu'il bouscule un peu ces idées reçues et peut-être surtout qu'il dénonce ce qui, dans ce catholicisme qui s'est longtemps autoproclamé détenteur de « la vraie foi »(sans aucune considération pour les autres tendances du christianisme) ce qui peut choquer les esprits cartésiens que nous sommes censés être. J'aurais aimé que dénonçât cette culpabilité judéo-chrétienne, à mes yeux irrationnelle, et contre-productive ou à tout le mois qu'il en parlât.
© Hervé GAUTIER – septembre 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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