RAVEL - Jean ECHENOZ
- Par hervegautier
- Le 09/05/2010
- Dans Jean ECHENOZ
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N°425– Mai 2010 RAVEL – Jean ECHENOZ - Éditions de Minuit.
D'emblée, l'auteur donne le ton de ce roman biographique consacré à Ravel: « Il lui reste aujourd'hui, pile, dix ans à vivre ».
Dans la première partie de cette œuvre, il nous le présente comme un obsédé vestimentaire, insomniaque, impénitent fumeur de gauloises malgré une tuberculose oubliée, un artiste qui habitue son entourage à ses caprices de star et ses sautes d'humeur, un égocentrique, plus préoccupé par sa personne et par le luxe que par sa musique, distrait, oublieux des convenances mondaines. Pourtant, il n'aime rien tant que de parler d'autre chose que de partitions et de composition, apprécie les manifestions populaires, surtout quand elles se déroulent dans son pays basque natal ou en Espagne. Il part pour les États-Unis en transatlantique pour ce qui sera une tournée triomphale... Nous sommes en décembre 1927, il a 52 ans.
Echenoz nous le présente au quotidien, sur le bateau sur lequel il travers l'Atlantique, dans les trains qui lui font sillonner l'Amérique, dans sa grande maison bizarre, « drôlement foutue, structurée comme un quartier de Brie », entouré d'amis, de cigarettes, d'alcool. Il y a son « Boléro » qui a tant fait pour sa notoriété, toutes ces orchestrations prévues et abandonnées parfois sans raison, sa rencontre et ses relations un peu houleuses avec le pianiste manchot Paul Wittgenstein d'où naitra « Le concerto pour la main gauche », ses nombreuses tournées internationales. Auparavant, l'auteur a évoqué la participation de Ravel à la Grande Guerre ... Mais surtout il semble s'ennuyer, témoigner de l'indifférence autant à ceux qui le critiquent qu'à ceux qui applaudissent à ses succès et se pressent aux manifestations organisées en son honneur. Peu à peu il devient irascible...
Pour ce qui me concerne, seule la deuxième partie m'a ému, peut-être parce que c'est la chronique d'une fin annoncée et que la maladie neurologique dont il souffre et qui va petit à petit lui faire perdre le sens des choses les plus quotidiennes, est pathétique. Non seulement la mémoire lui fait défaut, mais il ne souvient même plus qui il est, se révèle incapable d'écrire, de travailler... Cela ne diffère cependant pas de celle des autres hommes atteints comme lui d'un telle dégénérescence. Le spectacle de la déchéance est toujours dramatique
Avec une une foule de détails sur sa vie, sur son quotidien, Echenoz nous montre un Ravel secret, angoissé et sans fard, à cent lieues de ce qu'on peut imaginer. On pourra toujours dire que nous avons affaire à un névrosé, un malade du détail, il nous est dépeint dans son intimité : c'est presque un homme ordinaire, peut-être, et c'est sans doute étonnant, parce qu'il est aussi question de sa solitude. Il semble préférer les brèves rencontres et la fréquentation des bordels. Pourquoi pas après tout! Quant à l'amour qu'il semble n'avoir jamais trouvé, il juge que « ce sentiment ne s'élève jamais au-delà du licencieux » et tous les efforts de son entourage pour le marier resteront vains. Pourtant, il a des femmes autour de lui, mais ce sont des admiratrices avec qui il n'a pas d'intimité. Peut-être n'a-t-il pas trouvé de femmes à sa mesure, peut-être lui font-elles peur ou ne l'aiment-elles pas comme il le voudrait? C'est bien cela que je retendrai volontiers, malgré ses proches qui font montre d'une infinie patience, malgré son public qui lui témoigne sans cesse de l'admiration et de l'attachement, malgré les foules qui l'acclament... N'est-il pas un célèbre musicien? C'est quand même un homme seul face à la vie comme il le sera, comme chacun de nous, face à la mort.
Echenoz nous livre ici un travail d'archiviste, collationnant les témoignages de ses intimes ou imaginant (un peu peut-être?) ce qu'à pu être sa vie au jour le jour et jusqu'à la fin. A mon sens, il le fait dans un style neutre, comme quelqu'un qui raconte simplement une histoire. Je n'ai pas retrouvé ici le ton que j'ai parfois apprécié dans ses autres romans et je le regrette. Si ce livre ne m'avait apporté une foule de détails sur la fin de vie de Ravel, je m'y serais presque ennuyé et cela me paraît indigne de quelqu'un qui a obtenu un prix prestigieux!
© Hervé GAUTIER – Mai 2010.http://hervegautier.e-monsite.com
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