la feuille volante

Eloge du gaucher

La Feuille Volante n° 1482 – Juillet 2020.

 

Éloge du gaucherJean-Paul Dubois – Éditions de l’Olivier.

 

« Toute révolte n’est que l’aboutissement d’une longue douleur » telle est une des premières phrases de cet essai qui est une somme d’exemples choisis. Il y a bien lieu de se révolter contre le fait d’être gaucher dans une société où tout est fait pour les droitiers. C’est un peu la même chose pour tous les marginaux qui ne trouveront pas leur place dans un système pas fait pour eux, et qu’on ne compte pas sur ce système pour s’adapter à eux, c’est évidemment le contraire qui doit se produire, et qui ne se produira que rarement. Il y a bien de quoi se révolter en effet contre quelque chose pour laquelle on n’est pour rien mais qui va empoisonner toute votre vie, et comme si cela ne suffisait pas, il y a toujours un membre de votre famille pour vous exhorter à vous servir de votre main droite, comme si cela avait une importance personnelle pour lui !

 

Comme à son habitude, Jean-Paul Dubois use de son style fluide, humoristique, toujours bien documenté et même érudit, pour nous parler de ce problème dont, une fois n’est pas coutume, il choisit de rire, comme si dans cette société qui se voudrait policée et uniformisée il n’y avait pas de place pour l’originalité, comme s’il ne nous restait plus que le rire pour faire obstacle à cette sorte de rejet des gens pas comme les autres, pas dans la norme, pas « normaux » Il note opportunément que, dans les expressions, quand le terme « gauche » est employé, c’est souvent, à l’exception peut-être du sport, avec une nuance péjorative, dangereuse, impure, même s’il appelle à la rescousse des gauchers célèbres et ainsi justifie le titre de son livre. Il prend des exemples puisés dans différentes civilisations, langues et cultures actuelles, dans l‘Antiquité et même dans la Bible avec son message d’éternité, il énumère des circonstances du quotidien tout en soulignant l’angoisse des malheureux pour qui tout est plus compliqué et ressemble à un calvaire, de ceux dont on se moque gentiment mais qu’on évite et surtout qu’on voudrait bien voir changer de comportement, simplement pour qu’ils ressemblent aux autres, à tout le monde !

 

C’est vrai qu’il vaut mieux rire de tout plutôt que d’avoir à en pleurer parce que pleurer ne sert à rien, c’est une attitude peu constructive et même négative et avec le rire on marque sa volonté de ne pas vouloir donner prise à l’adversité, mais souvent il ne nous reste plus que cela pour faire illusion et tout supporter. Cela dit, en lisant cet essai j’ai eu, comme souvent chez Jean-Paul Dubois, le sentiment qu’il était question de gens qui ne sont pas et ne seront jamais à leur place dans cette société.

Même si je peux déplorer quelques longueurs, j’ai quand eu plaisir à lire cet essai fort bien écrit.

 

Tout cela est bel et bon (si je puis dire), et je me suis senti concerné, tant il est vrai que le lecteur aime d’autant plus un livre qu’il s’y retrouve peu ou prou. Eh bien oui, j’ai moi aussi été gaucher et on s’est ingénié à me « guérir » avec d’ailleurs une belle et constante volonté, on y est parvenu et moi je suis devenu « un gaucher contrarié » ce qui a provoqué un bégaiement qui a meurtri toute la jeunesse et notamment ma scolarité. Je m’en suis guéri plus tard grâce au théâtre mais je bute encore sur certains mots. Mais, à mon âge ça n’a plus beaucoup d’importance (c’est l’âge de passer « l’arme à gauche »?) et comme je n’ai jamais vraiment fait les choses comme tout le monde et que je ne suis en outre pas vraiment chanceux, je ne me suis pas contenté d’être gaucher, j’ai en plus et depuis toujours « deux mains gauches », mais ça c’est une autre histoire !

 

©Hervé Gautier http:// hervegautier.e-monsite

 

 

 
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