la feuille volante

Mensonges et vérités

La Feuille Volante n° 1264

Mensonges et vérités – James Comey – Flammarion.

Traduit de l'américain par Laure Joanin et Laurent Barucq.

 

D'ordinaire, je prise peu les écrits de nature politique. Ici j'ai fait une exception à la lecture de la quatrième de couverture, non pas tant à cause de la personnalité peu attirante de Donald Trump que parce que ce président atypique qui passe son temps à dire et faire n'importe quoi, bousculant au passage les usages diplomatiques et les alliances traditionnelles des États-Unis, au point que son entourage souvent critique doive en permanence expliquer voire rectifier ses prises de position, et dont on dit, par égard au chef du plus grand pays du monde, (respect élémentaire qu'il ne pratique cependant pas lui-même), qu'il est « imprévisible ». En réalité ici il s'agit de « mémoires » et je dois dire qu'au fil de ma lecture, que j'abordais au départ avec quelques réticences, j'ai été convaincu par l'auteur, C'est certes lui qui tient la plume et la tentation est grande, en retraçant son propre parcours, de régler des comptes et d'être son propre thuriféraire mais, le livre refermé, j'ai vraiment eu la certitude d'avoir rencontré un authentique serviteur de l’État dans tous les postes qu'il a occupés dans l'Administration. Né en 1960, avocat, il a exercé différents fonctions dans le secteur privé, mais confie :« le service public me manquait et je regrettais même son mobilier dépareillé et ses faibles émoluments » , Il sert en effet sous l'administration de Georges Bush à qui il s'oppose sur le programme « Stellar Wind » (surveillance, pour lutter contre le terrorisme des communications privées) et sur la torture ce qui provoque sa démission et son retour dans le privé. En septembre 2013 est nommé par Barack Obama, directeur du FBI, organisme qu'il veut, contrairement à Edgar Hoover, un de ses prédécesseurs, indépendant et au service de la protection du peuple américain, dans le respect de la Constitution et de l' esprit des Pères Fondateurs. Tout au long de sa carrière il s'est en effet efforcé de servir l’État d'une manière impartiale et honnête. Nommé statutairement pour 10 ans il pensait pouvoir exercer son action en toute indépendance, ce qu'il fit notamment en 2016 en rouvrant une enquête, sur les courriels d'Hillary Clinton, ex-secrétaire d’État, devenue la candidate favorite du camp démocrate pour les élections présidentielles de 2016.

 

La nomination de Donald Trump à la magistrature suprême changea la donne dans la mesure il se trouvait en présence d'un être « imprévisible », homme d'affaires aux agissements quasi-mafieux selon Comey, qui considère qu'on gère l’État comme une entreprise privée et qui n'a jamais exercé aucune fonction élective comme c'est la règle aux USA ; Il était en effet peu enclin, lui le républicain, et contrairement à ses affirmations répétées, à maintenir à son poste un haut-fonctionnaire qui avait jusque là servi sous des administrations démocrates. Il l'était d'autant moins qu'il avait exigé de Comey une « loyauté honnête », ce à quoi le directeur du FBI avait répondu en l'assurant de sa parfaite « honnêteté ». Le contexte était en effet difficile car James Comey avait ouvert une enquête sur les agissements personnels de Trump avec des prostituées russes lors d'un voyage à Moscou et surtout sur des éventuelles ingérences de la Russie dans les élections américaines qui avaient porté Trump au pouvoir. Comey , refusant d'abandonner cette enquête comme le lui demandait avec insistance le président fut donc, en mai 2017 , licencié sans ménagement ce qui provoqua un scandale outre-atlantique et sa déposition devant la Commission Judiciaire du Sénat. Cette polémique tournait autour du mensonge réciproque dont s'accusaient les deux protagoniste dans un pays où, on le sait, mentir aux autorités est une faute qui a brisé bien des carrières. Ce licenciement a rendu à Comey sa liberté de parole et les éléments que contient son livre font légitimement craindre pour la survivance de la démocratie surtout sous la magistrature de Trump .

 

Comey parle abondamment de l'indépendance du FBI par rapport au pouvoir politique, ce qui est un gage de démocratie et une assurance donnée au peuple américain mettant un exergue le douloureux dilemme « parler ou dissimuler ». C'est un ouvrage intéressant, honnête, bien écrit, plein de révélations et qui s'oppose au nom de l'intégrité et de l’honnêteté à toutes les déviations anti-démocrates ainsi qu'à tous ceux qui n'ont comme but que leur réussite personnelle à n'importe quel prix.

 

© Hervé GautierJuillet 2018. [http://hervegautier.e-monsite.com]

 
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