la feuille volante

ANGEL BABY

N°883– Mars 2015

ANGEL BABY – Richard Lange- Albin Michel.

Traduit de l'américain par Cécile Deniard.

Rien en va plus entre Luz et Rolando dit « El Principe » (Le Prince), un cruel narcotrafiquant à Tijuana (Mexique). Depuis plus de 3 ans, il la tabasse, la drogue, la viole, la tyrannise et elle décide donc de s'enfuir sur un coup de tête avec pour tout bagage une poignée de dollars dérobés dans le coffre et un colt 45. Dans sa fuite elle tue même deux personnes à la solde de cet homme qui lance un tueur à sa poursuite. C'est qu'elle l'a épousé tout en lui cachant l'existence d'Isabel, sa fille restée à Los Angeles chez sa tante Carmen. Elle n'a qu'une idée en tête, traverser la frontière toute proche et la rejoindre. Cela commence donc sur les chapeaux de roues, un peu comme dans un film américain. Même si sa vie avec Rolando a été un enfer et que ses hommes de main la poursuivent, Jéronimo, dit l'Apache, un truand tout dévoué à Rolando et Tracker, un flic tordu et corrompu mais qui de plus en plus regrette de s'être laissé entraîné dans cette affaire, elle a quand même la chance de rencontrer dans sa fuite, Malone qui lui fait traverser la frontière. C'est un personnage à la fois intéressé, sympathique mais aussi énigmatique, poursuivi par son passé et dépendant de l'alcool. Il représente dans tout ce panel de déjantés, partagés entre l'argent et le meurtre, la seule note réconfortante dans cette aventure.

Le lecteur vibre au rythme de ce roman échevelé, craignant pour la vie de Luz mais aussi sympathisant avec Malone, finalement aux petits soins pour elle et désireux de l'aider jusqu'au bout.

Angel Baby, c'est le titre de la chanson qu'elle chantait à Isabel, sa fille. C'est peut-être plus que cela en réalité puisque, au cours de ces 300 pages, le lecteur qui aurait volontiers prit Luz pour une femme facile, opportuniste, plus volontiers attirée par l'argent, va rencontrer une femme bien différente, prise entre la pauvreté la peur et le désespoir. Depuis qu'elle a abandonné Isabel aux bons soins de Carmen, elle est partagée entre le remords et les illusoires prières pour qu'il ne lui arrive rien et qu'elle puisse la retrouver. Ce roman est d'ailleurs plus qu'un thriller, comme la couverture suggestive le donne à penser, c'est une véritable étude de caractères menée à travers des personnages qu'on aurait tôt fait de mal cataloguer et le lecteur pénètre malgré lui dans le monde un peu obscur de Richard Lange. Ce roman pourrait être regardé comme une chasse à l'homme (à la femme) effrénée et impitoyable, aux multiples rebondissements, comme dans les meilleurs romans noirs américains, faits de trahisons, de chantage, de dollars, de violence, de drogue et de sexe, mais il est entrecoupé de moments pleins de souvenirs, de complicité et de tendresse surtout entre Luz et Malone.

D'ordinaire, j'avais, par goût, par culture, par réaction, que sais-je, l'habitude de me réfugier dans l'art et plus spécialement dans les livres, face à un monde de plus en plus déshumanisé. Cela constituait mes lectures habituelles plutôt paisibles. J’avoue que je ne connaissais pas cet auteur ni ce livre ni son atmosphère glauque et gore, avant que « Masse critique » ne contribue à cette ouverture sur une autre littérature[merci aux Éditions Albin Michel de me l’avoir fait parvenir directement]. Pour en faire partie, nous savons que l'espèce humaine n'est pas fréquentable. Que la littérature prenne en compte cette caractéristique, qu'elle peigne la société telle qu'elle est, qu'elle montre un changement rapide, surtout dans le mauvais sens, je ne vois pas ce qu'il y a d'anormal. Après tout, depuis que le monde existe, les hommes n'ont eu de cesse que de s’entre-tuer, de se trahir, de s’autodétruire. La société dans laquelle nous vivons, celle des États-Unis mais aussi la nôtre, est de plus en plus faite de violences, d’escroqueries, de trahisons, de meurtres, d'hypocrisies et elle ne fait rien contre cela puisqu'elle en est bien souvent l'organisatrice, l’instigatrice ou même la complice et je comprends assez mal dans ces conditions le concept de « vivre ensemble » dont on nous rebat les oreilles en toutes occasions. En réalité je ne regrette pas cette lecture même si mes goûts vont plutôt vers autre chose, une écriture plus poétique par exemple, que je n'ai pas vraiment retrouvée ici.

Quoiqu'il en soit, je respecte ce parti-pris d'auteur qui me donne sûrement envie de redécouvrir d'autres œuvres de Richard Lange.

©Hervé GAUTIER – Mars 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com

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