Les soeurs fâchées- Un film d'Alexandra Leclère
- Par hervegautier
- Le 18/02/2012
- Dans Alexandra Leclère
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N°554 – Février 2012
LES SOEURS FÂCHEES- Un film d'Alexandra Leclère (2004) Rediffusion le jeudi 13 février 2012, 20h35.– FR3.
C'est, au départ, une histoire bien banale, celle de deux sœurs que tout oppose. Leur mère, vieille et alcoolique, qui attend la mort dans une maison de retraite de province les a très tôt bannies de sa vie en leur prédisant un avenir désastreux . (J'ai toujours été étonné de la manière dont des personnes, par ailleurs très contestables dans leur vie, se croient autorisées à lire dans le marc de café pour les autres et à manier ainsi l'anathème définitif pour les personnes qu'elles rejettent unilatéralement ). D'elle on n'entend parler qu'en filigrane et c'est sans doute ce qu'elle mérite. Elle a donc eu deux filles bien différentes, Martine ( Isabelle Huppert), désœuvrée, snob, aigrie, méchante vit à Paris une existence de mère de famille indifférente à son jeune fils.(Je suis toujours étonné de constater les surprises que nous réserve la génétique qui, au sein d'une même fratrie met en scène des personnalités bien différentes, pourtant issues du même sang ). Elle a apparemment fait un beau mariage et montre toutes marques d'une réussite sociale. Elle s'ennuie cependant dans un costume bien trop grand pour elle au point qu'elle envisage de travailler, elle qui, malgré la quarantaine, n'a jamais rien fait dans sa vie. Elle fréquente un monde superficiel fait de vernissages et de rendez-vous mondains. De son mari, Pierre (François Berléand), on ne sait rien sinon qu'il existe, qu'il est riche, qu'il la supporte et qu'il ramène la vie à des occasions de fornications animales. Non seulement il considère son épouse comme devant se livrer au traditionnel « devoir conjugal » mais il étend volontiers ses talents au bénéfice de la voisine du dessus, aussi avide de sexe que lui, et pourquoi pas à sa belle-sœur !
L'autre, Louise (Catherine Frot), mariée et mère de famille, est esthéticienne au Mans, ce qui n'augure pas d'une vie bien trépidante. Le spectateur comprend très vite qu'elle n'a rien de bien original sinon qu'elle est gaie, spontanée, à en devenir exaspérante et même maladroite. Pourtant, et à l'inverse de cette sœur oubliée depuis bien des années, elle rencontre l'amour en croisant le regard d'un homme, sur un trottoir, un véritable « coup de foudre » qu'elle veut à tout prix ne pas laisser passer. Pour cela, elle hésite puis finalement se lance pour le conquérir et ainsi bouleverse son présent pour ce moment de folie. Elle vit avec lui depuis deux ans ! Cet instant a dû être exceptionnel et chargé d'émotions puisque, elle qui n'était guère douée en français et n'avait jamais tenu un stylo de sa vie, à part peut-être pour sa liste de courses ou la rédaction de ses chèques, confie spontanément cette expérience à la page blanche. Il en résulte un roman qu'elle a envoyé à un grand éditeur parisien ! Une folie de plus mais qui a passionné les membres du comité de lecture et provoqué une convocation prometteuse... et une future édition. C'est la raison de sa présence à Paris de Louise qui en profite, pendant trois jours, pour renouer avec Martine, alors qu'elle aurait pu faire l'aller et retour dans la journée. C'est aussi l'occasion pour cette provinciale de visiter la capitale, de faire connaissance avec son jeune neveu, de craindre un peu pour la future édition de son livre pourtant promis à un succès de librairie... et de bouleverser la vie de cette sœur un peu trop guindée !
C'est pourtant un peu grâce à elle, à son rejet de ce microcosme où elle n'est pas acceptée que Martine prend conscience des relations coupables que son mari entretient avec sa voisine du dessous, celle-là même qu'elle prenait pour sa meilleure amie. C'est aussi un peu par hasard qu'elle rencontre un ancien amant désormais marié et père de famille. C'est aussi pour se venger de cette adversité qu'elle gifle Louise. Quant à Pierre, il disparaît... On imagine un divorce à venir, une nouvelle vie, et ce d'autant plus que la dernière scène du film se déroule à la gare Montparnasse, sur un quai où tout espoir est désormais possible. Louise revient au Mans emportant avec elle la magie des rues de Paris mais aussi les déconvenues familiales. Elle n'est pas au courant du bouleversement qui est intervenu dans la vie de sa sœur mais c'est pourtant mi- surprise mi-complice qu'elle la voit se présenter à elle avec son fils pour ce qui n'est peut-être pas un adieu définitif.
Il s'agit là d'un film qui était le premier long métrage d'Alexandra Leclère et le hasard, encore lui, à transformé pour moi une soirée qui menaçait d'être morne en un bon moment. En effet, J'ai été séduit par le jeux des acteurs, ces deux personnalités que tout oppose et qui sont si bien incarnées par deux actrices d'exception, Isabelle Huppert et Catherine Frot. L'étude psychologique aussi est bien menée, Louise rappelant à sa sœur ses origines sociales, lui donnant un peu malgré elle ce que cette dernière n'a plus, l'amour de la vie, l'intérêt pour les autres, la folie peut-être ? Le portrait de la bourgeoise parisienne ainsi brossé est pertinent et les personnages campés correspondent bien à ce qu'ils sont dans l'inconscient collectif.
© Hervé GAUTIER - Février 2012.
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