LES INVITES DE MON PERE – un film d’Anne le Ny
- Par hervegautier
- Le 09/10/2012
- Dans Anne le Ny
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N°594– Septembre 2012.
LES INVITES DE MON PERE – un film d’Anne le Ny [2009].
France 2. Dimanche 7 octobre 2012 – 20H45.
C'est plus fort que moi, je ne suis pas un cinéphile averti, tant s'en faut, mais j'aime que le cinéma soit le reflet de la réalité qui nous entoure et dont nous faisons partie. Un des thèmes qui est ici évoqué, celui des sans-papiers, est de plus en plus une composante de notre paysage social et mérite bien qu'on s'y attache.
Lucien Paumelle [Michel Aumont] est un médecin à la retraite,80 ans, veuf, ancien résistant et engagé dans l'action humanitaire où son nom est une référence. Il passe sa vieillesse active à défendre ceux que la société a exclus ou qu'elle rejette parce qu'ils sont étrangers et ce malgré le code pénal. C'est effectivement un thème bien actuel et traité par ailleurs au cinéma, valorisant pour un citoyen français et bien digne du message humaniste et généreux de notre pays. Rien à dire donc ou plutôt on ne peut qu'être admiratifs devant l'engagement de cet homme que la retraite n'a pas diminué.
Il a deux enfants maintenant mariés ou en couple, la quarantaine plus ou moins avancée. Arnaud [Fabrice Luchini], son fils, cynique, avocat d'affaires qui a toutes les marques de la réussite sociale, cabinet florissant, grosse berline, appartement de standing, riche train de vie... Il a épousé une femme qui n'a pas fait d'études comme lui. Ce n'est pas tout à fait l'image du père qu'il nous renvoie. Ensemble, ils ont deux enfants un peu conventionnels. Babette [Karine Viard], la fille de Lucien, est un obscur médecin généraliste dans ce qu'on suppose être un dispensaire de quartier. Elle aussi est digne de son père non seulement parce qu'elle est médecin au service des autres, qu'elle a toujours vécu dans son ombre, mais aussi parce que, comme son frère, elle n'est pas installée et ne voue pas à l'argent un culte effréné.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes si Lucien, sous couvert d'aider Tatiana, une jeune et jolie Moldave, réfugiée en France avec sa fille et désireuse de s'y établir avec des papiers en règle, ne s'était mis en tête de l'épouser malgré une différence d'âge digne du théâtre de Molière, le comique en moins, en réalisant un « mariage blanc ». Après tout, pourrait-on penser, c'est plutôt, pour cet homme, le couronnement de toute une vie d'engagement humanitaire. Que nenni, tout cela c'est de la frime, Lucien est vraiment amoureux de Tatiana et ce mariage a plutôt la couleur du viagra et met la vie de Lucien en danger ! Il se retrouve d’ailleurs à l'hôpital et on finit par se dire que c'est pour lui le dernier acte. Il est réellement amoureux de cette femme, non seulement lui trouve du travail pour aider à la régularisation de sa situation mais invite ses propres enfants à renoncer à leur futur héritage... pour en faire profiter Tatiana !
Le spectateur reste sans voix devant le personnage de cette étrangère qu' Arnaud qualifie de « pute » et qui poursuit inexorablement son but sans qu'on sache si elle œuvre pour sa fille ou pour elle-même. On la voit déterminée et sans gêne devant les enfants de Lucien, détachée de lui, raciste [déjà], désireuse que sa fille fréquente la meilleure école où il n'y a pas de noirs ni d'arabes ! On imagine aussi qu'elle a bien pu vouloir avancer l'échéance du décès de Lucien pour disposer plus vite de ses biens en se trompant dans ses médicaments.
Ce fait est pour autant déterminant et fonctionne comme un déclencheur. Arnaud et Babette qui jusque là semblaient assister, quelque peu indifférents, voire complices, aux extravagances de leur père prennent soudain conscience qu'il peut mourir par la main de cette jeune intrigante. C'est pourtant l'épouse d'Arnaud qui réagit au nom de la parentèle en dénonçant ces manœuvres à la Préfecture et fait ainsi échouer les projets de Lucien. Certes, cette manœuvre a, aux yeux de Babette et d'Arnaud, des relents de pétainisme mais, après cette dénonciation, ils y souscrivent cependant. Tatiana repartira dans son pays avec sa fille. Fin de l'épisode ! Pourtant, devant le résultat de cette action et malgré la satisfaction qu'ils ont de voir leur père revenir à une vie plus normale, ils se laissent aller à une sorte de culpabilisation pour avoir contrecarré ses projets matrimoniaux.
Pour autant, ce thème ne me semble pas être le seul traité par ce film. C'est que cet événement a des répercussions au sein de la famille apparemment unie, avec, en filigranes, le fantôme de la mère. Arnaud se rappelle qu'étudiant, son père lui a coupé les vivres, sans doute parce qu'il refusait de faire ce qu'il lui demandait et que Babette, qui a toujours joué le rôle de la fille effacée et comme il faut, non seulement n'a pas défendu son frère mais encore s'est réjoui de cette situation et en a même profité. On imagine même que les liens entre le frère et la sœur ne sont pas aussi forts qu'il y paraît. Voila aussi que l'intermède amoureux de Lucien provoque celui de Babette qui, après avoir supporté pendant des années son compagnon s'envoie ne l'air avec un collègue de travail, apparemment plus jeune qu'elle et avec qui, finalement, elle choisit de vivre. C’est bien son tour de se lâcher un peu, d'autant qu'elle connaît enfin l'orgasme !
Les choses semblent rentrer dans l'ordre à l'occasion d'un week-end, quelques mois plus tard. Arnaud rejoint son père désormais assagi aux côtés d'une retraitée bretonne et végétarienne. L'image qu'il donne correspond davantage à celle d'un retraité paisible qu'à l'épisode précédent de son mariage manqué et peut-être maintenant oublié, même s'il s'ennuie en regardant la mer à cause du thé vert au gingembre et du pain au varech !Pire, il s'emmerde et on l'imagine déjà un pied dans la tombe après avoir tourné définitivement la page de sa vie antérieure !
Je ne suis pas sûr d'avoir assisté à une comédie puisque c'est la catégorie dans laquelle ce film est classé par la critique. Certes on peut rire de tout et les répliques sont parfois drôles [« C'est un acte militant... mais il y a des actes militants qui sont plus agréables à regarder que d'autres », « non seulement il m'a pourri mon enfance mais il me vole ma crise de la cinquantaine », « En fait la blonde trop jeune c'est à ton âge qu'on se fait ce trip, pas au sien »] mais les nombreux thèmes traités ici ne s'y prêtent guère, celui de la vieillesse et de la solitude, de la remise ne question des choses établies et de l’image que donnent les gens, de l'utopisme de gauche, de l’adolescence contestataire et généreuse, de la famille qui éclate, de la mort qu'on perçoit au loin... Seul le jeu des acteurs qui se résume à un trio (Karine Viard, Michel Aumont, Fabrice Luchini) peut prêter à sourire tant il est juste et parfois humoristique. Je ne suis pas bien sûr pour autant que le happy-end qui clôt ce film soit toujours au rendez-vous dans la vraie vie !
Après « Ceux qui restent » Anne de Ny nous offre ci une nouvelle peinture de la société. J'ai bien aimé.
©Hervé GAUTIER – Octobre 2012.http://hervegautier.e-monsite.com
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